La belge KBC fait partie de ces banques persuadées que la popularité de leur application mobile leur offre une opportunité de développer une place de marché de services, financiers et non financiers. Désormais, elle veut croire que cette dernière peut également être attractive pour les personnes qui ne détiennent pas de compte chez elle.
Mises en place au début de 2018, les fonctions d'achat de tickets de transport et de titres restaurant, de paiement de parking, de location de vélo en libre-service… intégrées à son logiciel sont aujourd'hui utilisées par 174 000 clients (sur un total d'un million), pour un volume d'activité atteignant 200 000 transactions par mois. Ces résultats, qu'elle considère extrêmement positifs, donnent des ailes à KBC, qui prévoit donc de continuer à enrichir sa palette de partenaires et de s'adresser à une audience élargie.
Le raisonnement ne surprendra pas, tellement il se répand à grande vitesse : l'évolution des usages sur smartphone démontre une lassitude croissante vis-à-vis de l'expansion sans fin des titres disponibles sur les AppStores. Cela donne logiquement (?) à penser que l'avenir est aux plates-formes capables d'agréger tous les services utiles derrière une interface et une expérience simples et cohérentes, à l'instar des stars chinoises (WeChat en tête) qui fascinent les entreprises occidentales ces derniers temps.
Jusqu'à maintenant, les quelques banques qui s'aventuraient dans cette direction se laissaient convaincre que la fréquence des interactions de leurs clients avec leur application mobile leur procurait un levier pour les entraîner vers d'autres services. L'hypothèse reste encore largement à vérifier, eu égard aux chiffres présentés (certes flatteurs mais finalement peu extraordinaires), que KBC franchit déjà une étape supplémentaire et s'imagine déjà acteur de référence des plates-formes.
En l'état, on ne peut que s'étonner devant tant de présomption : nulle part ne ressort le moindre avantage pour le consommateur (non client) de recourir à la solution de la banque plutôt que de se tourner vers ses fournisseurs habituels et bien connus, y compris en téléchargeant leurs applications dédiées, ce qui sera infiniment plus intuitif. Ce constat est d'autant plus consternant qu'il expose une occasion manquée phénoménale.
C'est à la découverte d'un des prochains ajouts au catalogue que surgit l'incongruité : un programme de cashback permettra aux porteurs de cartes de la banque de bénéficier de primes sur leurs achats auprès d'une sélection de commerçants. Hélas, l'offre est inaccessible aux utilisateurs qui ne sont pas clients… sous prétexte que le détail de leurs dépenses ne peut être analysé, ce qui interdit de repérer les transactions éligibles.
Là résiderait pourtant la véritable opportunité de KBC : en proposant à quiconque de connecter ses comptes, quel qu'en soit l'établissement teneur, grâce aux dispositions réglementaires européennes de la DSP2, elle serait en mesure de faire profiter à tous des avantages qu'elle a à faire valoir. Elle aurait alors une véritable chance d'attirer des utilisateurs vers son application… et peut-être même, en s'inspirant de l'exemple de Moven et de son modèle d'« essai avant l'achat », vers ses produits bancaires…