La couverture est étonnante, bleu de Prusse, avec un texte que l'on découvre en rusant, en inclinant le livre pour jouer avec la lumière.
Cette histoire de disparition, envoyée par SMS par l'auteure à son éditeur, démontre qu'un premier roman peut suivre des voix non-conformistes. Voilà pour le positif. Et je veux louer la politique éditoriale de l'éditeur qui concentre ses efforts sur très peu d'ouvrages.
Ce titre serait même le premier proposé par la toute jeune maison duPanseur, qui démarre une nouvelle aventure éditoriale, placée, selon ce qui est écrit sur son site, sous les auspices conjugués de la différence et de l’exigence. L’éditeur Jérémy Eyme a programmé 2 titres pour 2019 et trois en 2020, un choix original en ces temps de surproduction caractérisée.
Mais il faut appeler un chat un chat et ce (petit) roman, faussement surréaliste ne m'a pas convaincue.
Menant une vie tranquille, des insulaires vont voir leur quotidien bouleversé le jour où leurs chats disparaissent, emportés par des hommes du continent. Envoyé à terre pour protester, l’instituteur du village n’en revient qu’un mois plus tard, avec un costume neuf et une femme de l’administration, avant que des agents ne viennent à leur tour installer un bureau sur l’île, afin de résoudre le problème. Mais les chiens que l’on propose finalement aux insulaires restent des chiens, avec une laisse en prime, même si l’Administration, curieusement, les nomme "chats" …
Il doit forcément y avoir une explication mais en toute logique "l'intérêt de nous filer des chiens et d'appeler ça des chats m'échappe un peu. Par contre, une chose est sûre, quelle qu'en soit la raison, je sens bien quelle ne va pas me plaire" dit le narrateur (p. 45).
J'ai bien compris que le débat était philosophique. Que cet opuscule offrait une réflexion sur le changement, sur la capacité à remettre en question ses certitudes, et sur le mensonge, également sur la façon personnelle de chacun d'accepter de bouleverses ses habitudes. L'astuce c'est de prétendre que "on ne peut pas juger sans savoir, ça ne se fait pas" (p. 79).
A l'époque où nous sommes de plus en plus soumis à des fakes, cette distopie dont le titre est expliqué p. 92-94 ne peut que faire froid dans le dos.Le chat reste un symbole puissant de liberté. Roubaix l'a bien compris en installant El Gato en l'honneur de l'Eldorado de Lille 3000. Cet Alebrije monumental nous ferait presque croire que nous sommes au Mexique !
L'homme qui n'aimait plus les chats, de Isabelle Aupy, éditions du Panseur