Cette candeur inexplicable, ce passage du dialogue à la chanson qui nous oblige à la suspension de la crédulité narrative m'horripile. Quand il n'y a pas de dialogue, c'est pire. Nos vies ne sont jamais chantées. Ça ne concerne peut-être que moi, mais quand je vais au ciné, je veux me rapprocher de la vie. Voyager aussi, oui. Fantasmer, oui. Mais si on me fait chanter des acteurs, le jeu devient souvent grossier, caricatural, à la mise en scène douteuse et bon...je déteste les comédies musicales, tenons nous-en à ça.
Sauf peut-être quelques unes. Principalement en raison de la musique.
En voici une dizaine qui en valent l'écoute selon moi. 10 honorables. 10 qui ont scoré avec moi.
Vous ne trouverez pas Les Parapluies de Cherbourg qui m'ont fait hurler, ni Moulin Rouge, Baz Luhrmann ne sachant pas monter ses images, encore moins un film de Tim Burton qui a un peu donné dans le genre.
Vous trouverez toutefois mon peu d'intérêt pour la chose. Qui se résume plus à 9 qu'à 10.
Oliver! (1968)
Carol Reed adapte le succès théâtral britannique de Lionel Bart, qui lui, adaptait Charles Dickens et son Oliver Twist. Il se méritera 6 Oscars le lascar. Il peut paraître étrange que le sombre conte sur le dépravation du jeune Oliver, croisant la route des bandits de ruelles, guidés par le louche Fagin, après avoir été vendu aux services de l'exploitation infantile au travail, eût non seulement commencé son tournage l'été de l'amour 1968, mais eût aussi trouvé grâce dans le chant cinématographique. Mais la maestra de Reed se rapproche de l'esprit de regroupement commun, de pouvoir remis entre les mains du peuple (ou son contraire), et a un petit côté tribaliste évoquant Hair, qui aurait pu se trouver dans cette liste, mais que je n'ai jamais vu. Les costumes ont quelque chose de chic dans le style guenille des rues, les jeunes garçons ont les cheveux longs à la Beatles, ce qui tranche avec la vision de David Lean du même film de 1948. Les garçons "perdus" de Fagin semblent même être un groupe assez cool. La magie de Carol Reed s'inscrit dans sa capacité de livrer une immédiate modernité pour l'époque, dans la mise-en-scène, la musique, les choix du film, gardant intact le côté sombre et brutal du mélodrame qui font de ce conte de Dickens, un impérissable.
Mamma Mia! (2008)
La musique de Abba a tapissé l'ambiance de toute mon enfance (1972-1984). Mes parents en était fous. Les micros jupes d'Agnetha et Anni-Frid inscrivant les jambes des femmes dans mes inclinaisons érotiques pour le restant de mes jours. En 1999, une production musicale sur Broadway, signée Catherine Johnson, inspirée des chansons d'Abba, et dont Benny Anderson, de la formation Abba, a accepté de participer aux arrangements musicaux connaît un succès immense. L'actrice Meryl Streep voit la production avec sa fille et elles en sortent tout simplement conquises. Streep sera la locomotive qui fera lever le projet de l'adaptation du film, racontant l'histoire d'une jeune fille se mariant, et invitant trois hommes, chacun d'eux pouvant être son géniteur. Ce qui m'a fait adoré ce film est bien entendu la musique. Et vous l'aurez deviné, la plongée dans les sons de mon passé.
Chicago (2002)
Bill Condon adapte la comédie musicale à succès du maître Bob Fosse, avec la musique de John Kander et Fred Ebb. 6 Oscars à la clé pour ce film. Dont celui du meilleur film. La première comédie musicale à le faire depuis Oliver!. C'est en 1975 que la comédie musicale sur scène prend vie. Sur un ton cynique, on raconte l'histoire de deux meurtrière en prison dans les années 20, attendant leur verdict, une vaudevillienne et une femme au foyer. J'avais été voir ce film très à reculons, conscient de sa musicalité qui me fatiguerait. De plus, Richard Gere y jouait et, entre amis, nous trouvions qu'il avait toujours été beaucoup plus poseur qu'acteur, ne jouant jamais d'émotions. Même Gere m'a impressionné. La musique était étonnamment intéressante et la mise-en-scène, quoiqu'archi théâtrale (mais le genre le veut), très créative. Sexy même. J'en garde un agréable souvenir.
Across The Universe (2007)
Celui-là a scoré si fort que je l'ai acheté. La musique étant un ingrédient indiscociable de la comédie musicale, quand celle-ci est la crème de la crème, difficile de ne pas y trouver un plaisir à l'écoute. Travaillant une histoire signée Julie Taymor, Dick Clement et Ian La Frenais, touchant à tout l'univers musicale des Beatles, le film met en vedette un quatuor de jeunes acteurs très intéressant en Evan Rachel Wood, Jim Sturgess, Joe Anderson et T.V.Carpio. Des caméos de Bono, Salma Hayek, Eddie Lizzard. Joe Cocker (entre autre) sont d'aussi belles surprises. Bien entendu, le scénario reste assez faible, comme trop de comédies musicales, mais la musique et les trouvailles visuelles et clins d'oeil multiples sont délicieux. La direction d'une sensibilité féminine fait beaucoup de bien à l'univers des Beatles généreux de 34 chansons. Et de tant d'easter eggs vous pouvez revoir le film des dizaines de fois et encore en trouver.
Tommy (1975)
Lui aussi, je l'ai acheté. Parce que l'album double des Who était l'un des tout premier cd que j'ai acheté et dont j'ai largement abusé l'écoute. J'avais aussi alors copié le film en le louant au club vidéo et en superposant deux VHS l'un sur l'autre. Trouvant le film à 10 dollars en DVD, j'ai pimpé mon vieux stock. En 1968 The Who compose cet opéra rock qui devient un album-double l'année suivante. En 1972, un vrai opéra adapte le disque avec le London Symphonic Orchestra. Les deux albums vendent ensemble plus de 10 millions de fois. On choisit donc de faire le film aussi. Ken Russell, as réalisateur, familier avec les adaptations musicales, en sera le réalisateur. La distribution est tout simplement formidable avec Ann-Margaret, Oliver Reed,
West Side Story (1961)
Ma mère avait ce disque à la maison qu'elle écoutait à l'occasion et qui lui rappelait nostalgiquement ses 13 ans. Voyant le film à peu près au même âge, c'est peut-être ce même film qui m'a coupé l'.envie de la comédie musicale pour le restant de mes jours. Deux gangs de rue se battant en dansant et en chantant me semblait si ridicule. Ça détruisait toute la virilité qu'une telle scène devait livrer. Enfin, j'ai aussi un peu aimé sinon je ne mettrais pas ce film ici. Mais c'est surtout en raison de ce moment de 1961 que j'ai semblé vivre en direct quand j'ai vu ce film. Et les yeux de ma mère, émerveillés, à mes côtés. Qui avait à nouveau 13 ans. Cette adaptation de la comédie musicale de 1957, qui elle même était inspirée de Roméo & Juliette, a raflé 10 Oscars.
Bugsy Malone (1976)
Un exemple parfait de traduction risible. Traduit en français de France, ce film se nomme Du Rififi Chez les Mômes (misèèèèèèère). Clin d'oeil à Du Rififi Chez les Hommes (car il couvre le même univers)qui n'est pas une référence en Amérique. Alan Parker signe la réalisation ET la complète scénarisation de ce brillant film mettant en vedette exclusivement des enfants. Jodie Foster et Scott Baio en sont les figures de proue. À New York, dans la période de la prohibition, des gangs rivales de gangsters ont des armes distribuant de la crème fouettée, dans des actions inspirées des guerres livrées entre gang de Chicago et gang de New York dans les années 30. Original, drôle, et très amusant.
Grease (1978)
Le voilà l'imposteur. Adapté de la comédie musicale du même nom de 1971, l'histoire d'une jeune femme qui doit se transformer en femme
Singin' in The Rain (1952)
La chanson titre est probablement l'une des chansons les plus mythiques du genre (travestie ensuite en ballade meurtrière chez Kubrick dans A Clockwork Orange). Les co-réalisateurs Gene Kelly et Stanley Donen avaient accès au catalogue complet de leur patron Arthur Freed pour tricoter le film. La chanson tître avait originalement été de la Hollywood Revue of 1929. Le film capitalise sur le charme de ses interprètes, leur énergie et dans la candeur de leurs élans. Prenez note que Donald O'Connor fumait 4 paquets de cigarettes par jour à cette époque. Son énergie est formidable. Kelly, O'Connor, une très jeune Debbie Reynolds et une fameuse Jean Hagen volent toutes les scènes dans ce qu'on pourrait appeler une version colorée du bonheur en technicolor. Livré en musique et en images séduisantes.
Cabaret (1972)
Le diable a toutes les meilleures chansons dit-on. Le film de Bob Fosse de 1972 les as toutes. Les sataniques, les accrocheuses, les terrifiantes, les séduisantes. Les airs de Kander & Ebb (encore) restent emprisonnés dans nos têtes comme du poison barbelé. Cabaret est trempé dans le plus sexy des cynismes et dans l'absolu désespoir décadent. Les nouvelles de Christopher Isherwood, Mr Norris Changes Trains et Goodbye to Berlin, qui ont inspiré la trame narrative raconte l'Allemagne à l'aube du règne nazi. Un film largement étudié au Cegep et marquant parce traitant de la salle d'attente sociale de l'horreur humaine. Joel Grey y est sensationnel (et Oscarisé). Liza Minelli, déroutante (et Oscarisée). J'irai aussi acheter ce film (Oscarisé). Pas 100% musical, film d'abord, dans lequel de nombreux numéros musicaux sont inscrits, puisque ça se déroule au travers de la lunette d'un cabaret.
J'ai pensé à cette chronique quand j'ai entendu qu'on referait une nouvelle version scénique de Starmania pour 2020.
Encore sur scène.
Pourquoi pas le film?
Qu'attends-t-on pour le faire?
Hubert Lenoir en Ziggy me semble une formidable idée.
Pierre Lapointe en homme d'affaires.
Laurence Nerbonne et Ariane Moffatt dans le casting ne serait pas méchant non plus.
Même Bronswick ou Eli & Papillon.
Yann Perreau?
Phillipe Brach?
On regorge de tant de talents ici,
et de la comédie musicale scénique...
...c'est encore complètement de notre époque?
Je ne dis pas que ça ne doit pas exister.
Mais que ça été maintes fois vu et entendu de cette manière.