Frédérique Jeske, dans son ouvrage « Le Guide du dirigeant responsable », nous invite à faire la distinction entre être seul et être isolé lorsque l’on est cadre dirigeant :
« Il est fondamental de distinguer les termes « solitaire » et « isolement ». La mission du dirigeant est parfois solitaire par nature, comme l’est sa prise de décision et sa manière de piloter l’entreprise. Mais l’isolement, voire la solitude, est un état, un sentiment négatif et anormal. Christian Barqui, entrepreneur et ancien président de l’APM, le confirme : « Toute ma vie j’ai lutté contre la solitude, car elle est négative pour l’entrepreneur. »
Ce sentiment d’isolement, vous le vivez de manière différente en fonction de votre statut :
- Le dirigeant salarié en grande entreprise est souvent isolé dans une « tour d’ivoire », entre gouvernance et collaborateurs. Il vit ainsi une solitude moins liée à la prise de risque personnel qu’à la perte de moteurs majeurs d’engagement (l’autonomie, la liberté d’entreprendre et de développer, le plaisir d’agir par exemple).
- L’entrepreneur est en première ligne pour l’intégralité du fonctionnement de l’entreprise et son sentiment d’isolement peut être très prégnant.
- Et plus l’entreprise est petite avec un management direct, plus le ressenti d’isolement sera fort, car le dirigeant devra traiter et résoudre lui-même des problèmes à la chaîne.
Ce qui est certain c’est que, outre la taille de l’entreprise et le statut du dirigeant, ce qui fait la différence, c’est l’engagement personnel : plus vous êtes engagé, plus vous pouvez souffrir de solitude. Louis Gallois, ancien patron de la SNCF, a bien résumé la situation il y a quelques années :
« La solitude du chef, ce n’est pas une idée en l’air. On est seul, dans ce métier. On peut avoir des collaborateurs dont on est très proche, mais tout le monde, au sein de ces entreprises, est pris dans des jeux de tactique, des jeux personnels, des amours et des haines. »
(…) BPI France a dénombré 7 types de solitude[1] :
- Statutaire (l’exemplarité, la maîtrise des émotions et des doutes, le masque)
- Décisionnelle (responsabilité)
- Relationnelle (savoir s’entourer)
- Professionnelle (compétences)
- Situationnelle (faire face aux épreuves)
- Existentielle (perte du sens)
- Collective (manque de reconnaissance sociale et préjugés à l’égard des dirigeants)
Face à ces solitudes, un sentiment de découragement peut naître et entraîner une perte d’estime de soi : incapacité à demander de l’aide, difficultés à partager ses soucis avec des pairs ou des proches… La spirale de l’échec se met en marche. Le syndrome d’épuisement professionnel se nourrit ainsi également de cette solitude subie. »
Et vous, vivez-vous un ou plusieurs des 7 types de solitude décrits par BPI France ? Comment vous protéger du découragement et de l’épuisement qui en découlent ? Vous pouvez explorer différentes options tant au sein de votre organisation qu’en dehors. Au sein de votre organisation, cherchez comment faire évoluer la gouvernance pour constituer un comité de direction s’il n’y en a pas encore ou pour travailler en binôme avec un codirecteur ou un adjoint. A l’extérieur de votre organisation, repérez des associations de cadres dirigeants et profitez d’événements ouverts aux non-membres pour évaluer si c’est le bon endroit pour vous. Partager avec ses pairs permet de prendre conscience que d’autres personnes rencontrent les mêmes difficultés que vous et d’échanger les bonnes pratiques des uns et des autres pour y faire face.