17 Juillet 2008,
La fin de notre première partie d'année approche et, regardant les relations que nous entretenons avec notre public et les territoires je ne cesse de me questionner sur notre avenir. Nous avons
choisi de réinvestir un art populaire et, sans nous contenter de reproduire les objets traditionnels, laissant l'oeuvre grandir, nous avons commencé de construire un répertoire contemporain. Grâce
à l'autonomie de nos formes nous avons parcouru les kilomètres et, de banlieues en zones rurales, nous avons rencontré des publics qui, pour majorité, ne se déplaçaient pas vers les établissements
culturels. Les territoires sur lesquels nous avons promené notre Théâtre de Marionnettes Itinérant, sont ceux de la France loin de la France. Pour aller dans ces endroits là, il a fallu que notre
volonté artistique soit forte. Il nous a aussi fallu trouver des soutiens politiques... Et cela n'a pas été le plus simple. Dans notre proximité de création, de recherche et de diffusion, nous
n'avons pas cherché « le coup médiatique», nous nous sommes éloignés des lieux traditionnels de culture pour transformer notre art. Ainsi, acceptant ces lieux comme des endroits entiers de vie...
partie de la cité, le lieu et ses habitants deviennent ferment et objet de la création. La création doit ensuite échapper à la banlieue, au village, au père et devenir langage universel qui peut
partir à la rencontre du public...
Malheureusement dans nos voyages au plus près nous nous sommes rendus compte que si, l'art est un outil de développement individuel et collectif, qu'il permet aux individus de s'épanouir et de
participer à la construction d'un projet de société dans lequel se trouve la réponse aux peurs et désirs de l'homme, il est aussi un geste politique qui va peut-être vivre de mauvaises heures dans
les années qui viennent ; lieu de contre-pouvoir, donnant les codes, permettant l'accès à la langue du plus grand nombre, il amène le libre arbitre et ainsi, réduit la toute puissance des
techniciens, élus, animateurs sociaux, entrepreneurs qui se chargent de gérer les vies de citoyens dociles...
Le geste artistique empêcherait l'appauvrissement des populations. Mais le marché se développe en créant de la pauvreté. Le cœur de l'humanité est dévoré par la volonté de croissance. Entre des
élus qui se veulent pères incontournables et qui une fois élus oublient qui les a mandaté , et un marché anonyme, l'art geste politique de « conscientisation » est voué à disparaître des lieux
publics pour réapparaître dans l'ombre ; l'art des résistances.
Bientôt, marionnettes et objets, salariés et matériaux nous mettrons en vacances. Il nous reste quelques représentations, quelques actions de sensibilisation, des temps de réflexion et d'écriture
et puis nous fermerons les portes de l'atelier et du bureau.
Une première partie d'année sera passée, nous reviendrons reposés et reprendrons la route de nos actions, de la création et des résistances.
Mais avant de ranger mes outils, avant de fermer les portes, de débrancher mes appareils électriques, je prendrais le temps de réparer ces objets que nous manipulons si souvent et dont les visages
sont les moches reflets de notre humanité.