Si vous ne pouvez les vaincre, rejoignez-les ! Telle pourrait être la devise de J.P. Morgan quand, après avoir longtemps manifesté ses inquiétudes face à la montée en puissance des géants technologiques dans les métiers de la finance, elle choisit maintenant, selon le magazine Forbes, de développer une offre spécifique à leur adresse.
Le pire cauchemar pour les institutions financières des pays occidentaux serait l'émergence sur leur territoire d'acteurs aussi puissants que WeChat et Alibaba, dont la prise de position dominante sur les paiements – qui restent le point d'entrée principal dans une relation bancaire – représenterait une menace existentielle. Aussi une stratégie de contre-feu paraît-elle pertinente à J.P. Morgan, afin, d'abord, de sauvegarder ses activités de flux puis, plus largement, préserver le contact avec ses clients.
En pratique, la tentation est immense pour les plates-formes de commerce en ligne de créer leur propre porte-monnaie virtuel, dans lequel des fonds peuvent être déposés et utilisés en circuit fermé. A minima, l'objectif qu'elles viseraient de la sorte serait de s'affranchir, au moins en partie, des frais de transactions qu'elles doivent supporter avec des solutions traditionnelles. J.P. Morgan leur proposera donc un produit clés en main, cédant un peu sur ses prérogatives mais limitant le risque de désintermédiation.
Il est facile d'imaginer, par exemple, que la banque consente des conditions tarifaires avantageuses, le plus important pour elle étant de conserver le contrôle sur les échanges – et plus encore les données associées – et de rester ainsi au premier plan dans l'esprit du consommateur. D'une certaine manière, plus insidieuse, il s'agit également d'éviter que les acteurs concevant leur propre moyen de paiement ne prolongent leurs velléités d'émancipation vis-à-vis du système vers d'autres domaines (crédit, assurance…).
Il en faudra cependant beaucoup plus pour convaincre les géants que cible (semble-t-il) plus particulièrement J.P. Morgan – Amazon, eBay, Uber, AirBnB… – d'abandonner leurs éventuels plans de déploiement de solutions propriétaires, qui leur garantissent une autonomie totale. L'argument clé serait alors la faculté native de la banque à intégrer une approche transfrontalière des paiements : un partenaire unique fournissant un outil universel qui prend en charge les flux d'argent dans le monde entier.
La bataille promet malgré tout d'être rude, car la concurrence ne manque pas, qu'on se tourne du côté des spécialistes (à l'instar de PayPal) ou, de plus en plus, vers les initiatives des plates-formes elles-mêmes, comme l'illustre la rupture que tente d'introduire Facebook avec Libra. Les avantages des établissements historiques face à de tels adversaires deviennent minces tandis que leur capacité d'exécution reste un handicap…