En ce moment, je dévore les livres qui me tombent sous la main… et celui-ci n’a pas fait exception. De plus, il aborde un thème qui m’est cher, même si il n’est pas toujours si bien traité, la solitude et la fatigue chez les jeunes mères. Et je dois dire que, personnellement, je ne remercierai jamais assez les systèmes de garderie qui prennent les enfants à la demi journée et aussi cette femme d’un centre de loisirs qui un jour a écouté ma fatigue et mon désarroi et m’a permis de déposer mon aînée quand je le voulais, même sans inscription préalable, pour m’occuper de mon deuxième qui venait de naître prématuré. Parfois, le mari travaille beaucoup et loin (ce qui était mon cas), ou n’est tout simplement pas là. Parfois, la famille, les grands parents, ne veulent pas, ou ne peuvent pas, aider. Et l’épuisement est tel, la solitude et la fatigue aussi, que le moindre geste d’entraide, est une bénédiction. J’ai déjà eu les larmes aux yeux quand on m’a aidé à descendre une envolée de marches avec ma poussette, par exemple. Je suis souvent revenue rouge, échevelée, encombrée, d’une sortie avec mes enfants avec l’impression de ne pas être à la hauteur, à la hauteur de rien. Et je me rends compte aujourd’hui combien c’était faux, et combien en réalité j’ai tenu le coup, et combien je mérite d’en être fière, comme cette mère, dans l’histoire de Samira El Ayachi. La narratrice se retrouve en effet du jour au lendemain maman solo, après une dispute avec le père de son bébé. La voici en tête à tête avec Petit Chose, et tout son quotidien en est immédiatement bouleversé. Elle qui doit finir de monter sa pièce de théâtre, écrire sa thèse, travailler… Elle n’a plus le temps de rien, et surtout pas de s’occuper d’elle. Elle aime son petit mais elle voudrait bien que son père le prenne en charge quelques week-ends. La société est ainsi faite qu’on ne punit pas un père qui ne prend pas sa part dans la garde de son enfant, mais une mère qui ne permettrait pas à son père de le prendre de temps en temps, tel que le prévoit la garde dite classique. La maman de Petit Chose est donc confrontée à une solitude sociale et existentielle forte et constate autour d’elle combien les femmes sont débordées, qu’elles soient en couple ou non. J’ai aimé le ton de Samira El Ayachi dans ce roman, résolument féministe, et qui pointe du doigt cette réalité : comment les femmes peuvent-elles se réaliser, faire avancer le monde, rêver et créer dans de telles conditions ? La narratrice répond avec humour qu’elle « déploie [ses] impossibles », mais ne veut surtout pas « courber l’échine », renoncer. Un texte résolument féminin, donc, et à partager.
« Même pas boire un thé, même pas manger, même pas finir tes phrases. A qui déposer ton enfant ? Dans quels bras disponibles, dans quel square de quelle banlieue, pour aller se reposer un peu. Qui est solidaire d’avec les mères dépassées ?«
Editions de l’Aube – 5 septembre 2019
J’ai aimé ce livre, un peu, beaucoup…