L'AFFAIRE Triny PRADA
par gabriel-soucheyre
La XXIIe édition du festival international d’art vidéo et de nouveaux médias a été inaugurée le mercredi 12 mars en présence des élus régionaux, dont le maire de Clermont-Ferrand Serge Godard, ainsi que de nombreux artistes locaux ou étrangers et le soutien d’un public passionné et fidèle. A la suite de la présentation des installations qui forment l’architecture publique de cette très belle édition nous fûmes près d’une centaine à nous retrouver au coeur du festival pour un buffet dînatoire qui se déroula dans une ambiance chaleureuse et sans excès. Pour ma part je quittais la manifestation vers 11H30 ravi de cette première journée et de l’excellence des contacts que j’avais pu ressentir entre tous les participants.
A l’issue de cette soirée un petit groupe d’artistes ( Allemagne, USA, Italie) s’est rendu, accompagné du directeur de Videoformes, au “Bar du commerce” place Gaillard,pour ,selon la formule consacrée, “boire un dernier verre”.
A l’heure de la fermeture de l’établissement, alors que tout était calme et serein, une patrouille de police a fait irruption dans le bar et les fonctionnaires ont sans ménagement évacués les artistes présents. Notre amie Triny Prada, artiste invitée dans le cadre de son travail sur les OGM à cette édition de Vidéoformes, était à ce moment là entrain de prendre des photos de son groupe d’amis . Les fonctionnaires de police ont voulu lui prendre son appareil photo en arguant du fait qu’elle n’était pas autorisée à photographier des fonctionnaires de police, ce geste a fait que Triny s’est accroché à la sangle de son reflex. Il n’en fallait pas moins pour qu’elle soit immédiatement arrêtée, menottée et placer dans la voiture de police. Malgré les protestations du directeur du festival, Triny sera mise en cellule quelques minutes plus tard au commissariat central au motif d’ivresse manifeste sur la voie publique. On s’interrogera à ce point de l’histoire si la banquette d’un bar est une “voie publique” et si le fait de consommer dans un bar fait de vous un trouble à l’ordre publique.
Lorsqu’elle est conduite en cellule elle demande à l’officier qui l’incarcère combien de temps elle va rester là, le fonctionnaire lui répond “- Moins de temps qu’Ingrid Betancourt”. Lorsque l’on sait que Triny était encore il y a quelques semaines à Bogota pour soutenir les proches des otages des FARCS on peut s’interroger sur le sens de l’humour des fonctionnaires de faction ce soir là. Puis ce fût une nuit entière dans une cellule où la température ne dépassait pas 5° alors que l’on venait de la priver de son blouson et qu’on la laissée avec un simple chemisier dans cet endroit sordide. Il est des traitements indignes que l’on inflige pas à une femme dans une démocratie surtout quand le président de celle -ci dit à qui veut l’entendre qu’il sera demain à la frontière du Venezuela pour libérer une de ses compatriotes.
Prévenu tôt ce matin de cet incident déplorable, qui ternit gravement l’image de notre manifestation, de la ville de Clermont-Ferrand, de la région Auvergne et plus généralement de notre pays, j’ai pris tout de suite contact avec les services de la préfecture où, point positif j’ai reçu un accueil courtois et attentif ( peut-être trop attentif puisque la première question fût “Est-elle en situation irrégulière ?”) . Quoi qu’il en soit Triny était relâchée vers 9h30 ce matin. Son appareil photo est détruit et sa carte mémoire a disparue. A la question “Où est ma carte mémoire ?” les services de police répondent : elle n’a jamais existé. Quant à son appareil photographique Triny l’aurait “volontairement” laissé tomber à terre. On soulignera qu’en sa qualité d’artiste multimédia l’appareil photo de Triny est son outil de travail.
Plainte sera déposée auprès du procureur de la république Française
Loiez Deniel Président de VIDEFORMES
Dans le même ordre d'idée, après la diffusion du documentaire "Le Monde selon Monsanto", Christian Vélot, chercheur au CNRS, faisait part de ses déboires à l'administration qui, peu favorable à ses prises de position anti-OGM, lui gelait les crédits de rechercher nécessaires aux investigations scientifiques qu'il menait.
Christian Vélot est Enseignant-Chercheur en Génétique Moléculaire à l’Université Paris-Sud. Depuis 2002, il est responsable d’une équipe de recherche à l’Institut de Génétique et Microbiologie (Institut mixte CNRS-Université) sur le Centre Scientifique d’Orsay. Parallèlement à son activité d’enseignement et de recherche, il anime sur son temps personnel de nombreuses conférences à destination du grand public sur le thème des OGM. Ses conférences didactiques, dont l’une a notamment servi de document de travail à l’intergroupe OGM du Grenelle de l’Environnement, ont permis à de nombreux citoyens d’avoir accès à une connaissance de la réalité des OGM et ont contribué à la prise de conscience raisonnée des risques qu’ils portent. Il est souvent intervenu en tant que témoin dans les procès de faucheurs volontaires. Christian Vélot fait partie de ces lanceurs d’alerte qui oeuvrent pour faire valoir la réalité de certains risques et engager des débats démocratiques, là où l’obscurité et l’opacité sont de règle. Ses prises de position lui valent aujourd’hui, de la part de la direction de son Institut, de nombreuses pressions matérielles, depuis la confiscation de la totalité de ses crédits pour 2008, la privation d’étudiants stagiaires, la menace d’un déménagement manu militari, jusqu’à l’annonce de l’exclusion de son équipe de l’Institut à partir de fin 2009. Nous, signataires de cette pétition, demandons que toutes les conditions soient rassemblées pour que Christian Vélot, avec son équipe, puisse poursuivre ses activités de recherche indépendante, ce qui implique notamment que la totalité de ses crédits lui soient restitués et qu’il puisse rester dans ses locaux au moins jusqu’à la fin de son actuel contrat (fin 2009). Au-delà du cas de Christian Vélot, nous appelons également à une très grande vigilance face aux atteintes à la liberté d’expression des chercheurs, et demandons un véritable statut juridique des lanceurs d’alerte, dans le cadre d’une loi de protection de l’alerte et de l’expertise, dont le principe a été acté par le Grenelle de l’Environnement.
Texte paru ici