TEMPS MOISI
Camp de concentration du Struthof
mai 2011
sur leur terre condamnée
cette petite fleur de rien si bleue
était leur seul espoir de ciel
mais ils ne pouvaient la cueillir
*
La lanterne des morts
elle aussi s’est éteinte
après que sa lumière fut
cendrée tirée d’enfer
pauvre utopie stérilisée
sans descendance
un reste d’eau des croûtes
ni debout ni assis
organes inutiles
sous la voûte du corps
*
pain mot moisi d’autrefois
inentamé
douche sans eau
aux pommes de sorcières
et tous ces mots dénaturés
dans quel corps inconnu de lui-même mourut
l’oncle à Dachau
même après sa disparition
il méritait de vieillir
*
sur le chevalet de la bastonnade
on l’embrasse cinquante fois
l’oncle des camps
dachau
struthof
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AVANT D’ÉTEINDRE
Avant de détacher nos chairs
Dans leur obscurité liquide
Allons dans le jardin de nous.
Avant de nous éloigner
Pour la dernière fois de nous
Souffle en chute, sans légende,
Avant que la tumeur nous cloue
Dans la chambre d’isolement,
Ensemble, entrons dans le Jardin de nous
Avant tes yeux sous les graviers
Tes yeux vides sous des mottes
Et les pas de nos proches
Avant le vide avec son angle
Éternellement plat
Au-delà du sans connaissance
Revoir la table des sourires
Où s’accoudent nos enfants.
Après le drap
Celui qui terre touchera
Après l’effondrement des planches
Avant la mémoire cireuse
Parmi les ombres ouvrières de la mort
N’oublie pas de sauver la Reine
Celle qui ne t’a pas choisie
Dans son butin comme dépouille.
Marcel Migozzi, Rouge convalescent, suivi de L’invisible donation, Tarabuste, 2019, 127 p., 13€, pp. 39-41 et 119-121.
Marcel Migozzi dans Poezibao :
Vers les fermes, ça fume encore (parution), extrait 1, un article de M. Monte, ext. 2, Cité aux entrailles sans fruits (par F. Trocmé), ext. 2, ext. 3, ext. 4, ext. 5, Marcel Migozzi, Des jours en s’en allant, (Note de lecture), Marcel Migozzi, Quelques parts de voyages, par Eric Eliès