Aurélie Ferruel et Florentine Guédon ont choisi pour titre de leur exposition « tripaille ». Bien sûr, cela évoque immédiatement les tripes, le cochon, ce cochon, peut-être qui sert de draisienne dans la chambre à coucher par laquelle nous entrons dans le Centre d’art contemporain La Traverse. Mais, plutôt que cela, je vois dans ce mot deux parties : tri et paille. Tri, c’est trois, trois brins de paille pour faire une tresse. Un peu comme on tord la paille dans l’argile pour faire du torchis. C’est d’ailleurs le torchis qui est la matière principale des oeuvres qu’on peut voir, résultat de performances (auxquelles on n’a pas assisté). Le torchis est un mélange qui n’est pas porteur mais remplit des vides et peut connaître une grande longévité. Pourtant, il y a quelque chose de fragile dans cette installation. Ça craquelle, ça sèche, on se dit que ça peut se casser.
J’ai lié ma botte avec trois brins de paille…
Il y a dans cette chanson le désir de rester dans la vie de la campagne plutôt que de s’installer dans un château. Pourtant la chambre est grande. Et le lit invite à s’y coucher en chien.
Au mur une tapisserie et la référence à une marque d’outils et d’appareils à moteur : Stihl. Sur la tapisserie, cela me fait immédiatement penser à cette expression anglaise, still life, qui signifie en français « nature morte ».
On sait que des peintres, comme Chardin par exemple, pour réaliser leurs natures mortes, en réunissaient les éléments : « des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches », pour reprendre les mots de Verlaine, à quoi ils ajoutaient des éléments de vaisselle et du gibier. Le lapin mort de ces tableaux restait plusieurs jours dans l’atelier qui devait bien sentir le cadavre à la fin. Mais on oublie ce désagrément quand on voit la peinture. Et Diderot, parlant de Chardin, n’y fait aucune allusion. La nature morte de cette exposition, c’est autre chose : des bouteilles en bois ou en paille (pour le vin de paille ?), et l’agression des tronçonneuses, des perceuses, des outils.
Et pourtant, la vie résiste. Elle prend la forme d’un brin d’herbe sorti quelques jours après l’installation au pied d’une statue, de moisissures dans une sorte d’étagère, et sans doute de minuscules insectes.
Certaines des oeuvres exposées casseront peut-être au moment du démontage mais cela n’est pas grave : le torchis pourra être réutilisé, remodelé, et prendre une autre apparence.