La ferme normande de Fernand Léger (1881-1955) est à vendre. Elle se niche au creux d’un vallon, à Lisores, dans l’Orne. Le pionnier du Cubisme, très attaché à sa région natale, y a réalisé céramiques et vitraux. Un voisin se souvient encore de cette époque bénie où, enfant, il regardait, ébahi, la femme du peintre parader sur les routes de campagne au volant de belles américaines. Cette maison-atelier se visitait autrefois, on en trouve encore la trace dans les guides. Aujourd’hui, la dénicher est un véritable jeu de piste… et elle n’est plus que ruines ! Le panneau indicateur qui y conduit est rongé par les mousses, le chemin d’accès envahi d’herbes folles, la maison elle-même perdue dans les ronces et les orties. Du portail, on aperçoit juste sa façade colorée, encore magnifiquement ornée d’une fresque de l’artiste. La seule qui ait survécu. Tout le reste n’est qu’éventration et massacre. Tout a été arraché, tout a été vendu. Du moins tout ce qui pouvait être déplacé et transporté. Seule l’immense fresque n’a pu être démontée : La scène d’une vingtaine de m2 aurait sans doute pu se briser sous les violents coups de burin. Exceptionnelle, elle apparaît surréaliste dans ce décor de désolation, comme un ultime appel. Triste vestige d’un lieu mythique. Dans le village, on murmure que tout est à vendre par les héritiers, on parle même de plus d’un million d’euros. Vérité ? Rumeur ? Toujours est-il que jour après jour, la pluie, le vent et le soleil font leur œuvre… L’atelier de l’un des plus grands peintres du XXe siècle disparaît peu à peu dans l’indifférence –pire, dans l’ignorance !- générale. Que fait donc la Région dont presque tous les collèges et lycées portent le nom de Fernand-Léger ? Pourquoi l’Etat laisse t-il ce précieux morceau de notre patrimoine se délabrer ? Le cœur serré, on lance un dernier regard à cette maison abandonnée de tous en regrettant de n’être pas mécène. > voir le reportage photos