Un au revoir ému à Marie Laforêt, qui vient de nous quitter. Voici un passage où elle croisa ma vie dans les années 60 , extrait de mes Mémoires en cours de correction.
Marie Laforêt était alors au sommet de sa carrière et de sa beauté. Elle était passée du cinéma à la chanson. On l’avait surnommée la « fille aux yeux d’or ». Sa notoriété dans le disque avait explosé lors de mon tout premier stage à Radio-Luxembourg avec Les vendanges de l’amour, chanson écrite par Danyel Gérard ; mais j’avais aimé en 68 : El Polo, une sorte d’improvisation – préludant le rap – qui venait du Venezuela et qui, là-bas, pouvait durer des heures. L’artiste me donna rendez-vous à l’hôtel où elle était descendue et avait promis de m’accorder trois quarts d’heure d’entretien. Je me présentai à la réception à l’heure dite, bardé de mon lourd enregistreur portable. Première surprise, on me dit que madame Laforêt m’attendait dans sa chambre. Je pris l’ascenseur le cœur battant. Quand je frappai à la porte, elle m’ouvrit en robe légère, la silhouette parfaite et me suggéra de la suivre. Elle alla s’allonger sur son grand lit. Comment me vint l’audace de lui proposer de réaliser l’interview dans cette position ? Elle accepta et je m’assis donc sur le bord du lit pour préparer mon enregistreur. Assez naturellement je pris la même position qu’elle et je me suis retrouvé allongé à ses côtés – avec entre nos deux visages assez proches, le micro. Et un peu à la fois, les yeux dans les yeux, elle se livra. Ma voix devenait, elle aussi, plus douce. Je commençais doucement à gamberger. Peut-être que je lui plaisais ? Comment allais-je pouvoir gérer ça ? Comment faire ? Et la conversation intimiste se poursuivait autour de l’amour, de l’amitié, de la passion. Elle était d’une grande séduction et je me noyais dans ses fameux yeux dorés qui plongeaient dans les miens. Tout-à-coup, elle se tut, se leva d’un seul bond, et me dit d’une voix redevenue tout à fait normale : « Voilà, monsieur, les trois quarts d’heure sont passés. Je vous reconduis. » Abasourdi, je rassemblai mon enregistreur, le micro, les fils ; mais surtout j’essayais de rassembler mes esprits ! Elle me précéda dans le vestibule, mais en passant devant la salle de bains, elle en ouvrit la porte : et là, je vis avec stupéfaction que son mari attendait assis sur un tabouret la fin du rendez-vous. Je me suis retrouvé en moins de deux dans le couloir de l’hôtel, me demandant vraiment ce qui était arrivé ! Elle était professionnelle tout simplement, et moi je n’étais qu’un amateur rêveur et poète !