Plan de Jean-Luc Romero-Michel
Le cadrage politique de la drogue 2
Autour de Howard S. Becker
Mardi 29 octobre 2019
CNAM – Paris
Merci aux organisateurs, au CNAM, à Sonny Perseil et bien sûr Howard S. Becker de m’avoir invité, 16 ans plus tard, à ce nouveau séminaire sur le cadrage politique de la drogue…
Très heureux de vous y retrouver et honré d’y intervenir non comme tous ces spécailistes éminants mais en ma simple qualité de citoyen engagé et interpellé….
Introduction
Je limiterai mon propos à la France.
16 ans plus tard, même si des choses ont changé, un néophyte de la question pourrait répéter bien des constats similaires sur la situation française. Passé le choc du sida qui a obligé à repenser bien des politiques sous le biais de la santé plutôt que par la pénalisation, nous sommes vite revenus à nos démons. Avec une nouvelle donnée inquiétante, l’explosion des drogues de synthèse.
La question des drogues illicites reste incontestablement l’un des grands tabous de la classe politique française.
Vouloir mettre en oeuvre une politique globale de prévention et d’information des produits psychoactifs intégrant notamment l’alcool – les 2/3 » des députés ont des viticulteurs sur les circonscriptions – reste presque impossible.
On peut cependant constater d’une part, des évolutions positives dans le constat et d’autre part, quelques éléments pour espérer. Enfin l’indifférence face à l’émergence des nouveaux produits de synthèse est préoccupante.
Un constat de plus en plus partagé
La loi de 70 en France est obsolète.
De quelque point de vue, où l’on se place, chacun l’admet, cette loi n’est plsu appliqué ni applicable. Mais le législateur ne tire pas vraiment de conclusion hormis sur la contraventionnalisation, qui est une toute aussi mauvaise réponse. On y reviendra…
L’échec de notre politique est unanimement souligné.
A la région Ile-de-France, je siège dans un groupe de travail consacré au cannabis. Nous avons auditionné de nombreuses personnalités qui toutes ont fait le même constat, notamment les policiers : notre échec total… Car si, par exemple, la consommation de cannabis s’est un peu stabilisée récemment, nous restons un des pays les plus consommateurs de toute la zone OCDE. Nous sommes même le 7ème paus le plus consommateur au monde. Et que dire de la prise de médicaments psychotropes en France ?
Les idées simplistes ne dépassent plus les campagnes électorales.
Durant la dernière campagne des élections régionales, l’une des propositions phares de la droite en Ile-de-France était de pratiquer des tests salivaires dans les lycées.
Cette mesure n’a pas survécu aux élections et a été vite enterrée. On a vécu ça aussi avec les salles de consommation à moindre risques, même ça reste encore un peu contesté chez certains élus conservateurs.
L’explosion de la consommation des drogues de synthèse et de dérivés (et détournements) de médicaments est unanimement constatée… Mais on n’en tire aucune conclusion.
Quelques éléments d’espoir
Alors que quasiment tous les pays européens qui entourent la France ont compris l’intérêt de créer des salles de consommation à moindre risques, la France a enfin fini par accepter d’en faire l’expérimentation. Deux salles existent désormais à Paris et à Strasbourg. Loin de répondre aux besoins ! Et toujours l’expérimentation…
L’effet contre-productif de la prison pour les simples consommateurs semble enfin une évidence pour beaucoup En France, la fausse bonne idée des contraventions est devenue la réponse. Évidemment cela ne gêne pas ceux qui ont les moyens. Quant aux autres …
Le vote à l’unanimité de l’expérimentation du cannabis thérapeutique.
Ces jours-ci, l’Assemblée nationale a surpris plus d’un observateur. Alors que même le sujet du cannabis thérapeuthque dont les effets bénéfiques pour certains malades sont reconnus dans de nombreux pays et depuis longtemps, il aura fallu attendre octobre 2019 pour que la représentation nationale arrête d’user d’arguments obsolètes et non scientifiques.
Pour une fois la santé publique passe devant la moralisation. Santé publique et moralisation ne font jamais bon ménage.
Pendant deux ans, à partir de janvier 2020, 2000 malades pourront bénéficier de l’expérimentation.
Le silence assourdissant des pouvoirs public face à l’explosion des drogues de synthèse.
On le sait, depuis une dizaine d’années, un phénomène explose : l’utilisation des drogues de synthèse et des dérivés de médicaments dans les milieux festifs ou encore dans la communauté gay.
Le phénomène est inquiétant avec des morts, des comas, des « Ghole » souvent le week-end et aucune grande métropole n’est épargnée.
GBL, GHB, MDMA, produits dérivés de médicaments, médicaments détournés, comme la Kétamine sont largement répandus désormais.
La Chine et d’une moindre mesure l’Inde, mais aussi les Pays-Bas avec la MDMA, inondent nos marchés de produits dont on ne connait pas réellement la composition.
Les États ne peuvent plus réagir toujours car à peine ils interdisent une molécule qu’une nouvelle est créée et parfois peut même circuler légalement.
La police ne peut plus empêcher ces trafics à moins de mettre un policier derrière chaque smartphone sur lesquels sont commandés ces produits, dont certains sont mêmes légaux. Une dose de GBL coûte moins de 50 centilmes…
Que dire de la campagne hystérique contre le cannabis face à l’explosion de ces produits qu’on ne contrôle pas et qui eux tuent ?
Que dire du silence des autorités car hormis des associations, comme Aides ou l’ENIPS, qui en parle et informe sur les dangers et surtout sur les mésusages ?
Conclusion
La pénalisation ne fonctionne pas en France ni ailleurs.
La pénalisation empêche une vraie politique de prévention des addcitions.
Mettre tous les produits au même niveau légal rendra crédible et efficace une politique de prévention basée sur la responsabilisation et l’information et semble la seule solution responsable face notamment à la montée des nouvelles drogues et des nouvelles pratiques.
Je vous remercie.