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Chroniques de l’ordinaire bordelais. Épisode 327

Publié le 02 novembre 2019 par Antropologia

Biodiversité sélective

C’était le 25 octobre, date de l’anniversaire de Picasso. Je fis l’association car c’était beau… Alors qu’il faisait grand soleil, une nuée de coccinelles se mit à tourbillonner autour de l’immeuble. Certaines, une quinzaine à la fois, me firent le plaisir de se poser sur mon balcon et avec émerveillement, je découvris des espèces dont je n’avais qu’une connaissance livresque : des noires à points rouges, des orange unies à tête blanche, des orange avec une multitude de points… La coccinelle a peu de prédateurs mais le principal est la punaise, cet insecte qui nous répugne tant mais que nous n’écrasons pas à cause de l’odeur dégagée. J’en vis une verte, une marron et une rouge, dont je connaissais là aussi l’existence, pour la première fois. Je me contentai donc de les chasser pour préserver modestement la vie des coccinelles et mon ravissement. Le spectacle se reproduisit les jours suivants, aux heures les plus chaudes de l’après-midi.

Je voulus connaître l’origine du phénomène et, au moment de taper ma question sur internet, un seul mot me vint : « invasion ». La poésie vola en éclats car « invasion » rimait avec « extermination ».  J’appris donc qu’il s’agissait de coccinelles asiatiques introduites par les jardiniers pour lutter contre les pucerons. Même si certains rappelaient qu’elles étaient inoffensives pour l’homme, les propos étaient surtout profondément xénophobes, avec un arrière-fond de péril jaune, d’invasion menaçante (comme pour les frelons asiatiques) et, comme il n’y a pas de politique de l’enfant unique chez les coccinelles, celles-ci deviennent dangereuses pour les espèces indigènes qu’elles menacent. Pas de discours politiquement correct pour les insectes, tant pis pour les jardiniers bio, des pucerons plutôt que des asiatiques : extermination requise des coccinelles qui cherchent – horreur- à hiberner chez vous. Mon regard devint moins enjoué mais le discours dont on nous rebat les oreilles sur la biodiversité me posa question. Il faut exterminer les espèces étrangères dont nous avons perdu le contrôle (comme si celui-ci était possible !), en sauver d’autres car elles puent (les punaises)… Et je ne vous parlerai pas des mites alimentaires auxquelles je livre une guerre sans merci depuis que j’ai découvert des larves frétillantes dans l’emballage d’une bouchée au chocolat que j’étais en train de savourer… J’admire encore mais d’un regard perplexe les jolies coccinelles et si elles pouvaient se régaler de mites, cela ferait mon affaire !

Colette Milhé


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