Pater a décliné une quantité industrielle de pendants à partir de quelques thèmes inventés par son maître Watteau. Il est difficile d’en établir la liste précise, et impossible d’en fournir la généalogie, d’autant que certaines oeuvres gravées ou vendues en pendant ont souvent eu des variantes vendues quant à elles en solo. Je présente ci-dessous trente deux pendants considérés comme avérés par Florence Ingersoll-Smouse dans son catalogue de référence [1]. J’ai omis ceux qui étaient des copies trop proches.
A la différence de Watteau dont les rares pendants font preuve à chaque fois d’une réflexion originale (voir Les pendants de Watteau), Pater ne cherche pas étudier des compositions variées ni des correspondances subtiles : la plupart de ses pendants sont « en V » (celui de gauche organisé selon la diagonale descendante, celui de droite selon la montante), ce qui élimine toute hésitation dans l’ordre d’accrochage.
Il faut savoir que, contrairement aux denrées ordinaires, deux tableaux en pendant se vendaient plus cher que deux tableaux indépendants (à cause du travail supplémentaire pour les harmoniser).
Dans un nombre important de cas, Pater a probablement construit ses tableaux indépendamment, avec une diagonale marquée, afin de pouvoir facilement les apparier par la suite de manière plus ou moins arbitraire : on ne trouve par exemple jamais, comme chez Watteau, un nombre équivalent de personnages ou de groupes de personnages dans les deux tableaux.
Plutôt donc que de s’attarder sur une « logique du pendant » soit évidente, soit absente, il est intéressant de balayer l’ensemble de cette abondante production afin d’essayer de discerner les quelques recettes que Pater employait dans sa cuisine combinatoire.
J’ai donc regroupé les pendants non selon un ordre chronologique très incertain (la plupart sont prudemment datés 1720-1736), mais selon un classement « zoologique », par grandes catégories de sujet.
Pendants binaires
La marche et la halte
Réjouissance de soldats
Pater, 1728, Louvre
La première toile militaire de Pater, qui lui a valu sa réception à l’Académie royale de peinture et de sculpture, présente déjà les ingrédients qui se retrouveront dans la plupart de ses « Haltes de troupes » : une tente avec son piquet ouvrant le tableau à gauche, une tour à l’arrière-plan, une tente à droite abritant soldats et cantinières.
Marche de troupes (IG 449, fig 125)
Halte de troupes (IG 417, fig 126)
MET, New York
Rapidement, Pater reprend la formule inventée par Watteau dans son pendant Fatigues et délassements de la guerre, qui oppose deux situations plastiques (mouvement et halte) et deux ambiances humaines (effort et repos). Mais tous les aspects dramatiques sont gommés au profit d’une description anecdotique et plaisante :
- côté départ, on voit au premier plan un soldat aidant une femme à monter, un autre remplissant sa gourde, un autre démontant la tente, puis tout un groupe de militaires, de femmes et d’enfants se mettant en marche vers l’objectif du jour : un château-fort de carton-pâte ;
- côté arrivée, on retrouve de gauche à droite les joies de la boisson (les deux tonneaux), de la famille, de la pipe, de la popote et de la galanterie, au pied d’une tour démolie qui ferme la parenthèse d’une bataille éludée.
Halte de troupes, Kunstmuseum, Karlsruhe (IG 413, fig 121) Marche de troupes, Ashmolean Museum, Oxford (IG 459, fig 122)
Ici l’ordre des scènes est inversé : la halte pour le repas précède le départ après la nuitée. Pater souligne l’opposition entre les deux constructions : la tente sur ses poteaux, provisoire et élégante et la bâtisse sur ses pilotis, rustique et décrépite.
Florence Ingersoll-Smouse a recensé six autres pendants militaires déclinant les mêmes principes, et plusieurs dizaines de variantes de chaque situation isolée.
Le cortège et la pause
En dehors du contexte militaire, Pater a repris la même opposition pour deux autres pendants.
Danse champêtre (IG 391, fig 81) Cortège de fiançailles de village (IG 242, fig 80)
Gemäldegalerie, Dresde
Dans Danse champêtre, un couple danse dans une clairière au son d’une cornemuse (souvent symbole sexuel masculin) et d’un tambourin (symbole de la jouissance, voir Les pendants complexes de Gérard de Lairesse), entouré par six autres couples dans les postures variées de l’intimité. Plus un célibataire qui fait tapisserie en donnant à manger à un chien.
Dans le Cortège de fiançailles, Pater s’inspire de la toile de Watteau La mariée de village (voir Les pendants de Watteau). Dans le même ordre que chez Watteau, les demoiselles d’honneur, les fiancés (ici l’homme donne son bras droit à la femme, contrairement à un couple marié), le couple de parents âgés et le duo de musiciens, sortent sans doute de la maison du notaire et se dirigent vers le village au loin (pour la messe de fiançailles). A noter le serviteur qui offre un verre au jeune homme : je n’ai pas retrouvé s’il s’agit d’un rite particulier (dans certaines régions les fiançailles étaient scellées en buvant dans la même coupe) ou d’une invention amusante de Pater, style dernier verre du condamné. Sont à coup sûr ironiques l’âne du premier plan à gauche (connu à la fois pour ses capacités sexuelles et sa répugnance à se laisser mener) et le libre couple du premier plan à droite.
L’idée est sans doute ici d’opposer la liberté de la jeunesse aux règles de la vie adulte. Ce pourquoi j’ai placé à gauche l’escapade loin du village en compagnie des bergers, et à droite le retour au bercail précédé par les vieux parents.
La marche comique (IG 7, fig 4) L’orchestre de village (IG 9, fig 5)
Frick Collection, New York
Le pendant comporte deux trios. Celui des personnages secondaires illustre l’Amour et la Musique ;
- les deux garçons lutinant la fille sous l’hermès ;
- les deux petits musiciens, au violon et à la flûte, accompagnant leur père à la vielle.
Le trio des personnages principaux montre une Marche et une Halte :
- des comédiens à l’italienne autour d’un âne qu’ils cherchent à faire avancer au son du tambour ;
- une fille essayant de faire danser un vieillard tandis qu’une autre apporte un panier plein de grappes.
Le côté comique du pendant est qu’il nous montre d’un côté une marche contrariée par l’âne, de l’autre une danse contrariée par l’âge.
Avant et après
Le baiser donné, collection privée (IG 473, fig 187) Le baiser rendu, Musée Cognacq-Jay (IG 474, fig 188)
Il existe plusieurs répliques de chaque tableau, sans que l’on sache précisément lesquelles constituaient le pendant original. L’histoire, en deux temps, est celle la déférence du roturier devant le geste galant du seigneur envers son épouse, suivi de sa revanche inattendue.
Gravures de Filleul, 1733, British Museum
Pour les détails de cette histoire savoureuse, lire les légendes des deux gravures.
Intérieur et extérieur
Le Sultan au harem, variante (IG 565) , collection privée (cliquer pour voir l’original détruit en 1945 ) [2] Le Sultan au jardin, Château de Sanssouci, Potsdam (IG 561 fig 162) (cliquer pour un agrandissement en noir et blanc)
Dans cette turquerie hébergée dans une architecture classique, Pater oppose le couple disjoint, à l’intérieur et le couple réuni, à l’extérieur.
Fêtes galantes
Musique et fleurs
Ces pendants assez simples suivent tous la structure en V. Ils mettent en regard deux types de langage galant : celui des notes et celui des fleurs.
L’agréable societé (Gallica) (IG 69 fig 196) La belle bouquetière (IG 67 fig 195)
Gravures de Filleul
L’agréable société
La légende de la gravure nous donne la signification des deux groupes : un couple constitué (Damon et Aminte) avec deux enfants et un chien, jouissant des plaisirs de la famille et de la musique ; un couple en cours de constitution (Licas et Silvie), sous l’égide d’un berger mercuriel au bâton entouré de pampres :
« Touché de voir Damon vivre heureux et tranquille / Avec sa chère Aminte et sa jeune famille / Et de ce que l’Hymen lui fournit de plaisirs / Plus solides que ceux qui coûtent des soupirs, / Licas fait ces efforts pour s’unir à Silvie ;/ Il la presse d’un air si galant, si flateur, / Que l’on juge aisément qu’il aura le bonheur / De pouvoir quelque jour contenter son envie. »
La belle bouquetière
Le second tableau montre probablement un couple avec ses trois enfants : la grande fille (Philis), ramenant à sa mère un panier de fleurs, est enlacée par un admirateur. Le thème pourrait-être la jeunesse et sa brièveté, mais la légende le tire vers une morale un peu plus précise : méfiez-vous des jeunes filles en fleur !
« J’admirerois, Philis, le vif éclat des fleurs / Dont la main vient de faire en ces lieux le pillage / S’il ne paraissoit pas sur ton charmant corsage / Dont on doit préférer les brillantes couleurs./ Dans toutes les saisons elles ont de quoi plaire / Et dans ce doux moment plus je les considère / Plus je crains que mon coeur ne s’en trouve pas mieux / Et ne paye bien cher le plaisir de mes yeux. »
Concert champêtre (IG 63 fig 229) La cueillette des roses (IG 62 fig 230)
Collection privée
Ce pendant est très proche du précédent, mais avec une nuance différente entre les couples de chaque tableau :
- côté musical, un couple chante et joue du luth joue tandis que le flûtiste a laisser tomber béret et instrument pour enlacer sa compagne ;
- côté floral, le couple assis par terre a fini la cueillette, son panier posé à ses côtés ; l’autre jeune fille a recueilli les fleurs dans son tablier, échangeant des regards insistants avec le jeune homme : à en juger par son béret posé par terre à côté de fleurs jetées, il est en train d’effeuiller le bouquet, et la fille attend la réponse du destin.
C’est ici le détail inventif du béret sur la tête ou par terre, qui distingue l’amant couronné de l’amoureux entreprenant.
Le musicien La cueillette des roses
Vers 1725, Collection privée
Cet autre pendant à deux couples est basé sur les mêmes principes :
- côté musical, un couple avec enfant jouit de la musique et un jeune couple s’enlace ;
- côté floral, l’un des jeunes gens cueille des fleurs pour sa compagne, l’autre lui offre un fruit.
Le couple supplémentaire de la fillette et du chien, au centre, assure la liaison entre les deux pendants, tout en ajoutant une touche d’innocence.
Réunion en plein air (IG 58 fig 43) L’Offre des fleurs (IG 57 fig 41)
Château de Sanssouci, Potsdam
Dans ce pendant plus complexe, les statues donnent la tonalité générale :
- la fontaine, avec sa gueule de monstre dans laquelle un amour plonge le bras, rappelle la musique et la flûte ;
- en face, l‘hermès fleuri et couronné donne la tonalité florale (bien que le tableau comporte également un guitariste.)
Six personnages sont mis en scène selon un rythme différent :
- dans le premier tableau, trois couples : un homme offre une pomme , un autre joue de la flûte et le troisième (sans béret) relève sa compagne ;
- dans le second, deux trios : un guitariste, sa compagne et un serviteur qui lui apporte des fleurs ; un homme qui enlace une fille sous le regard d’une troisième.
A la manière de Watteau (voir son pendant La surprise et L’accord parfait), Pater compose ici une sorte de mélodie graphique, d’un côté en rythme binaire, de l’autre en rythme ternaire.
Collation et fleurs
Fête galante, Musée d’art de Sao Paulo (IG 38, fig 29) L’amour en plein air, collection privée (IG 35, fig 31)
Anciennement dans la collection de Frédéric II à Potsdam
La halte des promeneurs est justifiée à gauche par une collation ; à droite par la cueillette de fleurs. Mais pour les fêtes galantes à nombreux personnages, comme celle-ci, ce n’est pas tant le détail des scènes qui compte que la structure d’ensemble.
Les personnages se regroupent sur les bords externes, le centre n’étant occupé que par un ou deux personnages isolés. Et le pendant en V se crée mécaniquement par la topographie : d’un côté un haut mur et un vase, de l’autre une statue au flanc d’un talus.
Fête galante (IG 39bis, fig 28) Fête galante (IG 36bis, fig 30)
English Heritage, Kenwood
Même décor et mêmes scènes pour cette variante, qui rajoute côté droit le chant au son de la flûte
Amour et badinage
Il s’agit d’une structure bien précise, que Pater utilise du côté droit de plusieurs pendants.
Les amants heureux (IG 16, fig 9) L’amour et le badinage (IG 12, fig 10)
Gravures de Filleul, British Museum (inversées)
Les tableaux étant aujourd’hui inaccessibles, nous nous contenterons des deux gravures (inversées).
Les amants heureux
Le groupe se divise en trois parties : un couple avec enfant, des amoureux discutant, des amoureux s’enlaçant. La légende de la gravure nous suggère comment les interpréter : au centre, la jeune fille courtisée (nommée Philis) hésite sur les intentions de son partenaire (nommé Damin): sera-t-il fidèle comme celui de gauche, ou coureur, comme celui de droite ?
« Employez bien le temps d’une verte Jeunesse ; / Amants, plus il est court plus il est précieux. / Heureusement, Philis, je lis dans vos beaux yeux / Que vous êtes sensible aux voeux qu’on vous adresse. / Quand même un jour Damin trahiroit son serment; / Rendez vous au plus tost, ne soyez point cruelle : / On trouve un doux plaisir à croire aveuglément / Qu’un coeur qui nous est cher sera toujours fidèle. »
L’amour et le badinage
Le groupe se divise ici encore en trois scènes : un guitariste vu de dos, deux hommes embrassant une fille, un couple effeuillant une fleur avec des enfants à l’arrière-plan.
La légende de la gravure explique le thème, à savoir l’opposition entre le Badinage (sexe avec Isabelle) et l’Amour (sentiments pour Iris ) :
« Quand Lisandre, en amant modeste et délicat, / Avec la jeune Iris s’entretient teste-à-teste / et qu’il ouvre son coeur sans bruit et sans éclat / Il peut bien justement compter sur sa conqueste. / Mais pour ces jouvenceaux peu munis de raison / Qui veulent tous les deux caresser Isabelle, / Leurs exploits ne seront que pure bagatelle / L’Amour ne veut jamais avoir de compagnon. »
La bonne aventure, Los Angeles County Museum of Arts (IG 508, fig 7) L’Amour et le Badinage, variante, collection privée (IG 13, fig 8)
Le second tableau élargit le thème « Amour et Badinage », en rajoutant au premier plan à gauche un homme en manteau rouge, accoudé à un escalier.
Il est ici apparié à un thème bien différent, celui de La bonne aventure, dont il existe de multiples répliques sous forme de tableaux isolés. Ici, l’enfant qui tambourine en regardant le spectateur souligne le côté « bidon » des prédictions de sa mère.
La Bonne aventure, Fitzwilliam museum (IG 506, fig 147) La Fête de Mai (variante), Pouckine Museum, Moscou (IG 527, fig 148)
Grâce à sa diagonale descendante, La Bonne aventure peut être appariée avec tout autre thème à diagonale montante : ici La Fête de Mai.
On voit ici que les sujets sont relativement interchangeables, pourvu qu’ils s’inscrivent dans la structure d’ensemble.
Ce type de composition constitue une évolution, par éloignement, de la classique structure en V : les groupes auparavant latéraux passent à l’arrière-plan et des personnages nouveaux s’interposent au premier plan, formant repoussoir.
Une série de pendants exploite de manière systématique cette formule « en W ».
Les délassements de la campagne (photo Gregory Lejeune) MET (IG 29, fig 18) Le concert champêtre (IG 20, fig 17)
Musée des Beaux-Arts, Valenciennes
Au premier plan, les figures isolées sont accolées à un élément d’architecture : la femme au singe accoudée à l’escalier, et la fillette au chien à côté de la colonne (plus son père qui se tourne vers elle et sa mère appuyée à la chaise
Les groupes sont passés au second plan, s’adonnant à leurs occupations habituelles : ici la collation et le chant.
Concert champêtre, daté 1734, MET (IG 34, fig 50) [3] Concert champêtre, daté 1734, Musée Thyssen Bormenisza, Madrid (IG 19, fig 51) [4]
Le second tableau est une variante très proche du pendant précédent (moins la petite fille de gauche et le chien).
Le premier se structure nettement en trois groupes :
- une famille (père, épouse et fille) formant repoussoir ;
- un groupe musical, avec flûte et vielle, autour de deux amoureux tenant lui une canne et elle un éventail ;
- un couple qui se retire vers les bois.
Le pendant suivant va rendre plus explicites ces trois groupes, sorte d’élargissement de la structure « Amour et badinage ».
Fête champêtre (IG 27, fig 12) Concert champêtre avec un flûtiste (IG 18, fig 11)
Buckingham Palace
Le second tableau est toujours similaire à celui des pendants précédents, sinon qu’un flûtiste a remplacé le guitariste.
Le thème du premier tableau est maintenant très clair :
- le repoussoir est constitué par un père, sa femme et son enfant, image du couple constitué ;
- au centre un groupe de quatre s’occupe de fleurir la jeune fille en robe rouge : l’Amour
- à droite un couple s’enlace plus ardemment, surplombé par la cornemuse phallique et épié par un voyeur derrière l’arbre : le Badinage.
Ainsi sont illustrés les joies de la famille, les plaisirs du flirt et les complications du sexe.
Monsieur de Pourceaugnac (IG 1, fig 3) Réunion de Comédiens italiens dans un parc (IG 3, fig 2)
Buckingham Palace
Ce pendant transpose la même structure dans l’univers du théâtre, français et italien.
Le second tableau reprend toujours la même composition, avec Pantalon dans le rôle du repoussoir et les autres comédiens regroupés autour d’une guitariste ;
Le premier tableau est cette fois totalement différent. Il montre, sous un porche, le héros de la pièce de Molière, rattrapé par ses deux femmes et ses nombreux enfants : soit le désordre qui advient à mélanger mariage et galanterie.
Danse et danse
Le thème de la danse est plus structurant que toutes les autres occupations galantes ( musique, collation, cueillette ou badinage) en ce qu’il met nécessairement un couple en exergue, debout et à l’écart par rapport au reste des spectateurs.
La danse, collection privée (IG 234 fig 56)
Cliquer pour voir la variante réalisée pour Frédéric II (IG 233 fig 58)
La danse, Worcester Art Museum (IG 236 fig 57)
A gauche, au son de la vielle, sous la statue d’une déesse, un gentilhomme jouant de la vielle converse avec une belle fille, tandis qu’un couple esquisse un pas de danse.
A droite, lors de la collation servie sur une table du parc, un homme invite une femme à danser au son du violon, du hautbois et de la cornemuse, tandis qu’au centre des convives une dame joue de la flûte.
Les deux tableaux ne s’opposent pas, mais se complètent : d’un côté un rapprochement impromptu et une musique improvisée, de l’autre une posture plus formelle lors d’un divertissement organisé.
Danse et autre
La danse (IG 228, fig 20) Le concert amoureux (IG 25, fig 18)
Wallace Collection
Une série de quatre gravures a été produite par Filleul en 1739, sous le titre Les plaisirs les plus ordinaires de la jeunesse. On peut considérer qu’elles fonctionnent en deux pendants, les deux premiers tableaux ayant été reproduits isolément pour Frédéric II (IG 26 et IG 229).
Les textes de Charles Moraine accompagnant les gravures donnent une idée de la manière dont elles étaient perçues par les contemporains.
La danse
« Danse aimable, où la grâce est jointe avec l’adresse; / où dans tout son éclat triomphe la Beauté / Tu parois faite exprès pour l’heureuse jeunesse / Et ton art par l’Amour fut sans doute inventé. / A l’un et l’autre sexe il montra la cadence / Il leur fit observer un juste mouvement / Et sachant les tenir en bonne intelligence / Leur union forma ton plus bel ornement. »
Le texte met l’accent sur l’opposition entre la posture élégante des deux danseurs et les attitudes relâchées des amoureux.
La concert amoureux
« Du luth et de la voix les sons mélodieux / Se dissipent dans l’air d’une extrême vitesse;/Les fleurs perdent bientost leur éclat précieux, De même, Chers enfants, s’éclipse la jeunesse. », « Pour vous en consoler, en l’honneur des Amours / Redoublez vos chansons, cueillez des fleurs nouvelles: / S’ils ne vous donnent pas des faveurs éternelles, / Du moins ils vous feront jouir de vos beaux jours. »
Ici encore le texte souligne les deux activités distinctes que montre l’image : ceux qui s’occupent des Fleurs (trois filles et un couple, dont l’homme décore d’une fleur la chevelure de la femme) et ceux qui s’occupent de la Musique (la chanteuse et le luthiste) .
La logique du pendant
Comme souvent chez Pater, il faut comparer personnages principaux et personnages secondaires :
- les couples principaux, l’Art de la Danse et l’Art de la Musique, contrastent par leur attitude : debout et assis, position inverse de l’homme par rapport à la femme.
- les faire-valoir contrastent par leur répartition : enlacés sous la statue de l’Amour ou éparpillés à la manière des fleurs.
Ce premier pendant met ainsi en balance deux aspects des Plaisirs de la jeunesse :
- l’Union des corps (amoureuse ou harmonieuse) ;
- la Fugacité (fleurs et sons).
La conversation intéressante (ou la balançoire) (IG 276 , fig 22) Le Colin-Maillard (IG 295, fig 21)
Wallace Collection
Les deux autres tableaux de la série n’ont pas été vendus comme un pendant séparé. Mais ils ont été sans doute conçus en tant que tel, avec une composition en V et des structures homologues à celles de l’autre pendant.
La conversation intéressante
Tout comme dans La danse, un couple fait bande à part par rapport aux autres : mais tandis que là sa grâce était vantée, ici c’est son excentricité qui est quelque peu décriée :
« Assis sur un gazon qu’on se plait quand on aime /A se communiquer les secrets de son coeur ! Un pareil entretien a certaine douceur / Qui paroist égaler la jouissance même /
Aminte néanmoins pense tout autrement ; / A tout autre plaisir la follette est encline ;/Et suivant son humeur enjouée et badine, / Elle aime mieux en l’air trouver du mouvement. »
Le Colin-Maillard
Sept personnages en mouvement (trois garçons et quatre filles) s’opposent au couple assis du premier plan : un cornemuseux et une fille qui lui amène un torchon ou une serviette.
Le colin-maillard
Gravure de Etienne Brion d’après un tableau perdu de Watteau
L’idée du cornemuseux épuisé vient d’un tableau précoce de Watteau, où il servait simplement de contrepoint statique (houlette posée par terre) aux autres bergers et bergères en mouvement. Pater lui donne une importance accrue : la serviette qui essuie fait écho au bandeau qui aveugle, et suggère, dans le contexte grivois de la cornemuse, une interprétation équivoque (la sueur étant l’euphémisme d’un autre fluide corporel).
On ne connait pas le texte qui accompagnait la gravure, sans doute brodait-il sur le thème de la passion qui aveugle et épuise. Quoiqu’il en soit, de même que Le Concert amoureux distinguait un couple musical (guitare) d’un groupe floral, on voit ici un couple musical (cornemuse) à l’écart du groupe ludique.
La logique du pendant
Ce second pendant met en balance deux autres aspects des Plaisirs de la jeunesse :
- l’Union des Esprits (la Conversation, opposée au côté primaire de la balançoire) ;
- la Passion (aveuglante et fatigante).
La série révèle ainsi une composition d’une grande cohérence.
Fête champêtre (les dénicheurs d’oiseaux), Alte Pinakothek, Münich (IG 45, fig 38) Le Repos dans le parc, Frick Museum (IG 232, fig 153)
Dans ce pendant « en W », on reconnaît dans le premier tableau un élargissement du schéma « Amour et Badinage » (jusqu’à la statue des deux amours avec le dauphin). Le thème est celui de la collecte, des fleurs et des oeufs d’oiseau.
Le second tableau oppose, comme dans « La danse » de la Wallace collection, l’attitude impeccable des danseurs et les poses relâchées des convives (notamment celui qui tend son verre, vautré sur une autre buveuse
sss
Le concert (IG 71 ter , fig 60) 156 x 86 cm La danse (IG 234 bis , fig 61) 156 x 1,05 cm Scène dans un parc (IG 33 bis, fig 62) 156 x 86 cm
Ermitage, Saint Petersbourg
Ce triptyque se compose d’un pendant en V, au milieu duquel s’interpose une scène symétrique avec une échappée vers la rivière lointaine. Le panneau central est pratiquement identique à un Concert Champêtre de la National Gallery, et ressemble beaucoup à La Danse du Worcester Art Museum (y compris le détail de la dame qui accompagne l’orchestre en jouant du pipeau).
Le fait que deux orchestres différents apparaissent dans le panneau Musique et le panneau Danse montre bien que le triptyque ne résulte pas d’une reconception d’ensemble, mais de la simple juxtaposition de compositions éprouvées indépendamment.
Références : [1] « Pater », Florence Ingersoll-Smouse, Les Beaux-Arts, Paris, 1921
Les références à ce catalogue raisonné sont notées IG suivi du numéro de notice. Quelques rares oeuvres, découvertes depuis, ne portent pas de numéro. [2] https://www.christies.com/lotfinder/Lot/jean-baptiste-joseph-pater-valenciennes-1695-1736-paris-le-5945033-details.aspx [3] https://www.metmuseum.org/art/collection/search/437256 [4] https://www.museothyssen.org/en/collection/artists/pater-jean-baptiste/concert-champetre [5] https://www.christies.com/lotfinder/Lot/jean-baptiste-pater-valenciennes-1695-1736-paris-fete-5391271-details.aspx