Il me serait doux d’écrire sur la pluie
Ah si j’étais un poète convenu
Ma chambre serait bleue
Et ma maison aurait un toit en ardoise
Ah si j’étais un poète convenu
Je visiterais chaque matin un jardin
Avec cet air émerveillé de l’explorateur
Lorsqu’il découvre un continent nouveau
Ah si j’étais un poète convenu
Je pourrais converser avec une rose
Et me croire intelligent
Ah si j’étais un poète convenu
J’inventerais chaque jour des parfums
Pour les femmes qui s’aspergent de patchouli
Ah si j’étais un poète convenu
Je pourrais boire l’eau des fontaines
Sans craindre qu’elle ne soit amère
Ah si j’étais un poète convenu
Je pourrais me rouler dans la neige
Sans me faire rouler par sa virginale blancheur
Ah si j’étais un poète convenu
Je pourrais enfiler la métaphore
Par le trou d’une aiguille
Sans me piquer les doigts
Ah si j’étais un poète convenu
Comme tout serait simple
La vie la mort les amis les roses
Ah si j’étais un poète convenu
Mon chant plairait à la fois aux rossignols
Aux blattes et aux marcassins
Ah si j’étais un poète convenu
La vie serait belle
Vraiment belle
Sans que la Beauté n’y ait de part
Ah si j’étais un poète convenu
Je signerais chaque poème d’un nom d’oiseau
De mon invention
Mais je n’aurais rien inventé
Ah si j’étais un poète convenu
J’assisterais à mes propres funérailles
Sans me formaliser de la chose
Ah si j’étais un poète convenu
Mes poèmes seraient un bien public
Et un trésor national
Accessibles à tous
Ah si j’étais un poète convenu
Je conviendrais à la fin avec vous
Que j’en ai décidément trop fait
Que le silence aurait mieux valu
Dès le début
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Paul Vallée (Ayer’s Cliff, Québec 1970-2002) – Maudit