Ce billet fait suite à « Education et numérique, séparer le bon grain de l’ivraie. (1) Les outils digitaux. ».
Au-delà des outils, les enjeux « éducation et numérique » sont organisationnels. Je les regroupe en deux grands ordres – la transformation du savoir, et celle des organes pédagogiques – auxquels toute démarche de refondation devrait apporter un cadre politique de plus ou moins long terme.
1) Le numérique transforme la construction et l’organisation des savoirs.
La construction du savoir
Outre ceux de validation et de contrôle, les processus d’élaboration-même de connaissance (y compris scientifique) sont modifiés par l’apport d’une mise en capacité supplémentaire d’expérimentation, qu’est la simulation, l’immersion. Pour ne citer que cet exemple, les jeux vidéos immersifs, mondes virtuels, serious games… ne sont pas à mépriser comme « gadget », mais bien à explorer.L’organisation des savoirs
Ce mouvement est radical, paradigmatique. Je décrivais dans ce billet le renversement, vers une intégration circulaire, que tend à réaliser la transformation globale qui s’opère sur des savoirs désormais « mieux reliés/reliables ». Deux effets : – cela fait apparaître des modalités nouvelles de circulation, latérale.– cela en démultiplie la combinatoire ; Ce sont donc en premier lieu les programmes et contenus scolaires, et la formation, qu’il faudrait questionner. S’il fallait n’en citer que deux, la translation du chimérique « savoir » (tête à remplir) vers un recentrage sur l’humain (individuel – social), et l’organisation disciplinaire du collège, sont les sujets clés.
Ces mouvements se dessinent, mais personne aujourd’hui ne peut dire où ils mèneront : on comprend donc en quoi la recherche est un enjeu. Une recherche bilatéralisée, capable d’appuyer ses orientations sur la remontée observatoire et les expérimentations actives : la semaine dernière j’ai assisté à une conférence au Salon de l’Education, où Bernard Stiegler a évoqué la recherche-action et l’amatorat.
2) Le numérique transforme les relations inter- et péri-pédagogiques.
Il multiplie et élargit les flux par lesquels, potentiellement, la pédagogie s’exerce, mais aussi s’élabore. Nous ne parlons donc pas seulement de la relation apprenant <-> enseignant, mais aussi enseignant <-> enseignant, enseignant <-> cadres d’enseignement (didacticiens et gestionnaires) et école <-> monde extérieur.
Ici l’enjeu-clé est infrastructurel et règlementaire. Il repose sur la couverture réseau des territoires – condition sine qua non – ; et sur la conception de modèles aptes à porter des processus plus horizontaux (et ce n’est pas – loin s’en faut – la moindre des choses, de leurs formes institutionnelles, réglementaires et administratives).Ces modèles peuvent se penser comme des plateformes supports, que l’on peut décrire en 3 ensembles :
Plateformes virtuelles
Elles concernent l’ouverture des murs de l’école aux flux numériques, dans toutes les relations listées ci-dessus. De telles plates-formes (applicatives, logicielles) devront donc, par priorité, supporter des échanges :
- de contenus scolaires : produits éducatifs, partage de pratiques et d’innovation pédagogiques… jusqu’à certains modes de formation continuée ;
- inter-scolaires : entre classes… jusqu’aux formes d’enseignement personnalisé ou différencié ;
- péri-scolaires : liés à l’élève « hors l’école », à l’accompagnement parental, ainsi qu’aux interactions avec les différents partenaires ;
- administratifs : relevant de l’évolution des modèles de gestion pyramidaux vers un exercice co-administré.
Le génie de Google a été d’inventer le modèle le plus incroyablement intelligent de guichet unique. L’état 2.0, devrait être le guichet unique de chaque citoyen.
Au lieu, comme certains politiques le déclarent, de dépenser temps et énergie à naïvement prétendre répliquer Google, 15 ans trop tard, inventons notre Google éducatif, et faisons en un modèle pour l’Europe, et le reste du monde.
Plateformes physiques, locales
Il s’agit simplement de l’architecture scolaire, en ce qu’elle structure l’exercice pédagogique (évolution du modèle frontal, etc.) Le rôle du design est manifeste ici, le système scolaire finlandais et les expérimentations technologiques (salles interactives, immersives, etc.) des modèles d’inspiration.Plateformes physiques, péri-locales / territoriales
L’enjeu ici est la mise en oeuvre d’espaces d’interconnexion entre le virtuel et local. La raison en est qu’une architecture plus distribuée, doit rapprocher l’école, le lieu pédagogique, à la fois de son territoire d’attache, et d’un global dont l’avenir tend, à sa limite, vers la virtualisation.
Ces espaces de forme suffisamment souple pour s’adapter aux spécificités locales – EPN élargis, ateliers mutuels, écoles ouvertes, évolution sociétale des MJC / centres socio-culturels / bibliothèques, mutualisation des mouvements d’éducation populaire, partenariats avec l’enseignement professionnel, etc. – devraient avoir pour axes fondamentaux :
- La compensation de l’inégalité numérique (appropriation « fondamentale »), l’accès aux pratiques mutualisées ou outils spécifiques, ainsi que plus largement à la distribution de formation tout au long de la vie ;
- Par et avec la recherche évoquée au-dessus, les formes de pédagogies interdisciplinaires orientées sur le « faire » et la culture technico-scientifique, les pratiques artistiques et créatives, et le démontage de la « boîte noire » numérique (objets, code, outils), qui sont un enjeu d’empowerment et une garantie sur le futur.
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Source de l'article Education et numérique, séparer le bon grain de l’ivraie. (2) La transformation numérique. : Blog-notes | Corinne Dangas.