L’empathie est une notion complexe : ce sont les mécanismes servant notre conscience qui nous permettent de « comprendre » l’autre. Elle intègre une dimension à la fois affective (vous comprenez ses sentiments, ses émotions) et cognitive (vous comprenez ses états mentaux non émotionnels, par ex. ce qu’il croit ou sait).
Comme elle recouvre des réalités physiologiques que nous ne connaissons pas ou mal, l’empathie est depuis une vingtaine d’années un terrain de choix des neurosciences. (On sait, par exemple, que les « neurones-miroirs » s’activent aussi bien quand un individu réalise lui-même une action, que lorsqu’il se contente d’observer un autre individu de la même espèce l’effectuer).
L’empathie n’est pas faite (que) pour les bisounours !
On confond communément l’empathie, comprise sur le mode « bisounours surémotif », avec compassion, partage d’émotion, ou émotivité.
L’empathie fait certes de nous des animaux sociaux qui en général supportent assez mal la souffrance des autres. Ce qui nous épargne d’être tous des sociopathes : selon une étude menée par Pessoa & Adolphs, quand on présente à des personnes des images suggérant qu’une autre a mal, 1/3 d’entre elles ressentent une douleur au même endroit et 2/3 sont perturbées mais sans ressentir elles-mêmes la douleur.
Mais l’empathie est plus largement un mode de connaissance et de compréhension de l’autre. Ce n’est pas nécessairement de la sympathie (à l’extrême, l’empathie peut servir la cruauté : la douleur de l’autre est alors ressentie positivement) ni ce que l’on appelle « contagion émotionnelle » (ex. le fou rire contagieux).
Même si elle est structurellement dépendante de notre propre environnement émotionnel, je la décrirais donc plus comme une facilité à capter la projection de l’esprit d’autrui. La capacité d’empathie réduit le différentiel entre ce que « l’autre signifie » et ce que « je conçois ». Bref, c’est une qualité de réception, une largeur de bande qui permet de couvrir plus ou moins bien l’écart entre ces deux angles de vue du même processus : l’émission originale, et sa représentation.
– C’est une compétence qui, parce qu’on « comprend » l’autre, réalise des comportements socialement efficients : en intégrant aussi le point de vue d’autrui (et non juste le vôtre) dans vos pensées et vos actes, vous êtes incité à coopérer et servez mieux l’intérêt collectif.
– A contrario, c’est certainement aussi du point de vue de l’évolution une clé de survie essentielle dans un monde « rétréci », où l’homme n’a plus d’autre prédateur que lui-même, et est en interaction, sinon en compétition permanente, avec sa propre espèce, ce qui requiert pour s’en prémunir une maîtrise de plus en plus aboutie et une adaptation de plus en plus fine à la façon dont son congénère va agir et réagir.
Une construction sociale de plus en plus dense : des interactions accrues
Nous vivons actuellement un tournant de l’histoire de l’humanité : jamais le monde n’a paru si petit, ses points les plus éloignés si connectés, et les ressources terrestres un bien si commun (si partagé).
Le nombre de « terriens » devient vertigineux ; le multiculturalisme devient la norme ; les modèles fondés sur le partage, la coopération, le peer-to-peer, explosent ; les médias sociaux ont un rôle de plus en plus prégnant dans les révolutions et les crises socio-politico-environnementales, qui désormais sont planétaires : nous sommes en train de bâtir une civilisation mondiale principalement fondée sur l’interdépendance, et la conscience de cette interdépendance.
A la base de cette conscience, fondement de la vie en société, l’empathie sera une qualité toujours plus déterminante du genre humain, condition nécessaire à la communication, à la compréhension, à l’adaptabilité et à la richesse des connexions relationnelles.
Le développement économique et social reposera donc de plus en plus sur la capacité de nos organisations, de nos systèmes éducatifs et entrepreneuriaux, à l’intégrer à titre essentiel dans leurs modes de fonctionnement.
Source de l'article L’empathie, qualité clé d’une civilisation connectée : Blog-notes | Corinne Dangas.