Partager la publication "[Critique] DOLEMITE IS MY NAME"
Titre original : Dolemite is my name
Note:Origine : États-Unis
Réalisateur : Craig Brewer
Distribution : Eddie Murphy, Wesley Snipes, Mike Epps, Craig Robinson, Tituss Burgess, Da’vine Joy Randolph, Keegan-Michael Key, Snoop Dogg, Kodi Smit-McPhee, Chris Rock, Luenell…
Genre : Drame/Comédie/Biopic
Durée : 1h58
Date de sortie : 25 octobre 2019 (Netflix)
Le Pitch :
Rudy Ray Moore a depuis toujours rêvé d’être célèbre. Malheureusement, aucune de ses tentatives pour s’imposer aux côtés des grands de la musique n’a abouti et cet ambitieux artiste doit se contenter d’un job dans un magasin de disques. Un jour néanmoins, il parvient enfin à faire parler de lui quand il décide de se consacrer au stand-up. C’est à ce moment-là qu’émerge le personnage de Dolemite, une sorte de pimp bigger than life, outrancier et vulgaire. Dolemite que Rudy Ray Moore va chercher à transformer en star de cinéma. Histoire vraie…
La Critique de Dolemite is my name :
Devenu star de la blaxploitation avec le film à succès Dolemite, Rudy Ray Moore est en quelques années devenu une icône. Un personnage emblématique dont Craig Brewer nous raconte ici l’histoire. L’occasion pour lui de nous livrer une success story à l’américaine, dans la plus pure tradition du genre. La trajectoire d’un pur outsider parti de tout en bas pour arriver tout en haut. Classique ? Oui mais dans le bon sens, car Dolemite is my name parvient à totalement s’approprier des codes qu’il fait siens, sans que cela ne paraisse forcée, nous offrant à l’arrivée un biopic super galvanisant, drôle et même touchant…
Double résurrection
C’est en exploitant les blagues trash des SDF de son quartier, après les avoir quelque peu remodelées, que Rudy Ray Moore a créé Dolemite pour ensuite devenir une star du stand-up puis un acteur à succès, fer de lance de tout un mouvement. Une personnalité hors-norme qu’Eddie Murphy s’approprie à son tour mais pas forcément de la façon dont on aurait pu le croire connaissant le comédien. Car autant le dire tout de suite : si Dolemite is my name est aussi réussi, aussi réjouissant et aussi émouvant sur bien des aspects, c’est en grande partie grâce à Eddie Murphy. Revenu de très loin, des tréfonds d’un cinéma de cachoteneurs fait de comédies de feignasses et autres resucées indigentes, Murphy revient ici à quelque chose de véritablement solide et ça fait plaisir. C’est bien simple : pour une fois, peut-être la seule de toute sa carrière, du moins à ce niveau d’excellence, l’ancienne star du stand-up incarne à l’écran autre chose qu’une version exagérée de lui-même. Peut-être conscient de la chance qui lui est donnée, Eddie Murphy met sa verve, sa fougue et plus globalement tout son talent au service de Rudy Ray Moore, sans jamais cesser d’également permettre à ses partenaires d’exister à l’écran. Toujours dans l’équilibre, totalement maître de son jeu, il se réinvente sous l’impulsion d’une magnifique écriture et se nourrit de la force de Moore pour lui rendre un vibrant hommage et du même coup se payer le meilleur rôle de sa carrière. Oui, à 58 ans, Eddie Murphy explose avec une intensité totalement inédite pour lui. Le tout au sein d’un film qui ne se contente pas de ramener à la vie sa carrière puisqu’un autre acteur en profite lui aussi pour se rappeler à notre bon souvenir.
Cet acteur, c’est Wesley Snipes, ici dans les pompes d’Urville Martin, une petite gloire des 70’s abrutie par la drogue. Loin des films d’action de bas étage qu’il a enfilé ces dernières années pour éponger ses dettes, Snipes brille de mille feux, crevant l’écran à chacune de ses apparitions avec une forme totalement renouvelée et cette capacité à saisir l’essence de son personnage là encore sans sembler forcer. Une performance à souligner plusieurs fois !
Get up !
Passionnant de bout en bout, Dolemite is my name relate néanmoins le genre d’histoire que l’on connaît un peu par cœur. La structure étant plus ou moins la même que celle de nombreux films du genre. La montée en puissance d’un type sur lequel personne n’aurait misé un copec et qui va prouver à tout le monde à quel point il est bon. Cela dit, ici, la puissance de Dolemite, combinée au jeu des acteurs (on a cité Murphy et Snipes, mais tous les autres s’avèrent formidables, à commencer par la divine Da’Vine Joy Randolph et le toujours génial Tituss Burgess) et à la pertinence de l’approche de Craig Brewer, emporte la mise sans nous laisser aucune chance de douter du bien fondé de l’entreprise.
Le scénario, hyper fluide et lui aussi pertinent, fonce dans le tas, la rythmique est aussi acérée que celle d’un morceau de James Brown et tout s’emboîte parfaitement. Les codes du biopic étant en quelque-sorte adaptés au cas particulier de Rudy Ray Moore. C’est d’autant plus balèze que si on prend le temps d’y regarder de près, Dolemite is my name édulcore quand même pas mal son sujet. Le personnage de Wesley Snipes n’est par exemple jamais montré le nez dans le cocaïne mais on comprend qu’il est accro. Outre le langage hyper fleuri, le long-métrage ne cherche pas non plus à choquer absolument et tient à rester optimiste, occultant alors quelques zones d’ombre, prenant peu à peu la forme d’une espèce de conte funky aussi dévastateur que jubilatoire. De quoi lui pardonner son aspect un poil trop lisse par moment. Même si d’ailleurs, il n’y a rien à pardonner car Craig Brewer a fait le choix de nous montrer Dolemite ainsi. La démarche étant louable car motivée par un but précis : rendre un ultime hommage à cette légende de la blaxploitation, à sa pugnacité, à sa verve, à sa générosité et à son talent. Livrer une comédie, un film tapageur et non pas une tragédie.
Funky Hollywood
Mais sans avoir l’air d’y toucher, Craig Brewer, qui retrouve toute la puissance de ses excellents Hustle & Flow et Black Snake Moan (avant la sortie de route avec le remake de Footloose) et ses scénaristes arrivent à néanmoins proposer une réflexion pleine de bon sens sur l’industrie hollywoodienne, en égratignant au passage quelques-uns de ses aspects les moins glorieux. Rejeté par tous les grands pontes, Rudy Ray Moore s’est fait tout seul jusqu’au jour où ceux qui l’avaient ignoré ont commencé à s’intéresser à lui. Ce que le film parvient à raconter avec beaucoup de force. Ici, le rêve américain est pointé du doigt comme un objectif toujours envisageable si on prêt à faire non seulement des sacrifices mais aussi à envisager des itinéraires plus caillouteux et risqués. Dolomite is my name restant, comme souligné plus haut, toujours lumineux quand il relate le parcours de son galérien amené à briller au firmament. Le tout sans jamais faire preuve de cynisme. Jamais par exemple on ne rit (et on rit beaucoup) car Rudy Ray Moore est ridicule. Et quand il l’est, il reste maître de son image et quelque-part, le sait lui aussi et en joue. Une démarche un peu différente en somme de celle de James Franco avec The Disaster Artist, duquel le biopic de Moore se rapproche un peu dans sa deuxième partie, au moment du tournage de Dolemite. Mais The Disaster Artist était influencé par l’écriture de Greg Sestero (co-auteur du livre) alors que Dolemite is my name bénéficie d’une marge de manœuvre plus grande et en profite ainsi pour livrer sa vision des choses en restant néanmoins fidèle à l’esprit de son sujet. Le générique de fin voulant justement mettre en valeur la pertinence de la reconstitution. Une reconstitution en tous points formidable. Que ce soit du côté de Los Angeles ou des costumes, en passant par les images du film culte Dolemite, rien ne manque. La précision de la démarche est au service de ce flamboyant héros qu’était Moore. Tout comme le film, qui prend également la forme d’une vibrante déclaration d’amour à toute une culture, musicale et cinématographique.
En Bref…
S’il embrasse les codes du biopic et de la success story, Dolemite is my name n’en reste pas moins original à sa façon. La « faute » au personnage principal tout d’abord, cette authentique icône de la blaxploitation, magnifiquement interprétée par un Eddie Murphy plus spectaculaire que jamais, mais aussi à cette générosité, ce respect et cet amour qui transpire à travers absolument toutes les images du film. Dolemite is my name ? Funky, galvanisant, furieusement drôle, émouvant… On pourrait continuer longtemps comme ça. Sans problème l’un des meilleurs films, sinon le meilleur, du catalogue Netflix.
@ Gilles Rolland