Les horaires de programmation (parce que j'enchainais avec Vie et mort d'un chien dans l'autre salle) ne m'ont pas permis de voir dans leur entièreté les 4 heures de spectacle, et j'avoue que ce théâtre est trop loin de chez moi, et un peu compliqué d'accès pour que j'y aille deux soirées de suite dans la même semaine. Je n''ai donc assisté qu'à la première partie, Dans le frigo. J'ai été conquise et j'ai vraiment regretté de devoir partir ... même si l'autre spectacle est tout autant excellent.
Car enfin lier
Copi, Shakespeare et Genet c'est tout de même tentant de découvrir ce que cela peut donner !On entre dans la salle dans la pénombre dans le salon d'un appartement qui bientôt semblera hanté. Le temps que nos yeux s'habituent et on remarque, assis en face de l'énorme frigo le personnage (extraordinaire Eddie Chignara), dos au public, pensif, assis de trois quarts, pieds nus sur un tapis de laine hors d'âge, et sans doute hors d'usage aussi. La lumière monte graduellement. On remarque un vieux téléphone.Exilé à Paris dans les années 60, l’auteur et dessinateur franco-argentin Copi était une figure emblématique et déjantée de la scène et de l’affirmation du mouvement gay. Atteint du sida, il se savait déjà condamné en 1983 lorsqu’il écrit Le Frigo. Il disait à propos de cet appareil qu'il est la boîte du prestidigitateur la plus élémentaire quand on n’a pas de moyens.
C'est le cadeau de sa mère pour ses cinquante ans. Mais c'est surtout l'objet par excellence de tous les fantasmes possibles, heureuses ou macabres. Ça pourrait bien être son futur cercueil.
Je n’ose pas l’ouvrir. J’ai peur d’y trouver le cadavre de ma mère, confie L., le personnage principal. Il était autrefois mannequin, écrit ses mémoires, se revendique écrivain, mais vivote des avances de son éditeur, heureux de converser avec un ancien amant, un vieil hippie quelque part en Australie.La salle rit lorsqu'il se plaint d'avoir été violé par son chauffeur, le mari de sa gouvernante. C'est tout le talent du metteur en scène, et du comédien principal que de jouer finement du registre dramatique et de la dérision.
On est persuadé que quelqu'un va surgir de l'appareil. C'est Halloween avant l'heure. Je suis tentée de vous effrayer avec le ballet des soubrettes et les jappements d'un chien marionnette mais il me semble qu'un tel spectacle ne se raconte pas. Il se partage.
Eddie Chignara, au visage de clown blanc, interprète splendidement tous les rôles d'une danse macabre,
un mannequin défraichi, sa bonne Goliatha, un détective raté, sa mère insensée, ... avec audace et panache sans jamais être ridicule.Et puis les soubrettes sont devenues les sorcières de Macbeth et ont invité les spectateurs à traverser le décor ...
Je suis sortie de cette ambiance surréaliste perdue dans mes pensées, un peu retournée que la représentation soit programmée dans la salle Serreau et pas dans la salle Copi. J'ai brusquement cru me trouver la proie d'un épisode de la caméra invisible car je ne reconnaissais plus le hall. Il avait changé, prenant des tonalités scandinaves tout à fait en accord avec la pièce que j'allais voir ensuite.
Textes de Copi, Shakespeare et Genet
Mise en scène Clément Poiré
Avec Bruno Blairet, Eddie Chignara, Pierre Lefebvre-Adrien, Louise Grinberg, Anne-Lise Heimburger, Matthieu Marie, Laurent Menoret et Céline Milliat-Baumgartner
Scénographie Erwan Creff assisté de Caroline Aouin (construction décor Atelier Jipanco)
Lumières Kelig Le Bars assistée de Edith Biscaro
Costumes et marionnettes Hanna Sjödin assistée de Camille Lamy
Du 13 septembre 20 octobre 2019
Voir horaires sur le site du théâtre
Au Théâtre de la Tempête
Cartoucherie - Paris 12 - 01 43 28 36 36