Lire c'est un pue beaucoup mon métier. J'en arrive même à ne pas penser travailler en lisant. Perdre mes yeux seraient perdre ma vie. Lire c'est plonger dans des univers étrangers aux nôtres ou encore revisiter quelques conforts. C'est ouvrir ses sens et ses horizons.
Lire c'est apprendre à respirer autrement. Et respirer c'est vivre.
GENERATION X: TALES FOR AN ACCELERATED CULTURE de DOUGLAS COUPLAND
1993.
Nous sommes trois co-locs. Polychuk, Goyette et moi, habitant au 1588 Logan, à Montréal. Polychuck y trouvera l'amour qui fait d'elle aujourd'hui, une très jeune grand mère de 46 ans. J'y trouvais la même chose, un an avant (mais ne suis pas grand-père). Avec Goyette, on trouve la bouteille et le videoway. On s'amuse ferme.
Ce qu'on nous confirme sur les bancs d'école, à l'Université, avec empressement, c'est ce que nous ne trouveront pas de sitôt: du travail.
Nos parents sont dans la jeune quarantaine, ils ne sont pas prêts à quitter leurs postes. Personne ne nous attends, sinon dans des postes au service des baby-boomers. Nullement intéressant. De plus, de très nombreuses femmes, ayant sacrifié leurs vies professionnelles au profit de l'éducation de leurs enfants, se choisissent maintenant de nombreux emplois sans formation réelle. Le marché du travail, pour ma génération, devient ou bien a)accessible par secteur extrêmement contingenté ou b)bouché.
Les gens à qui nos CV sont offerts sont sous-diplômés, terrorisés par nos diplômes ou les deux. Rien ne sera facile. Sinon l'amertume et le cynisme qui nous gagne vite. Douglas Coupland atterrit dans mes mains je ne sais trop comment. Par Goyette je crois. Tout aussi mordu de lecture que moi.
Son premier livre est un détournement de projet. Il devait écrire un guide mais écrira au final un roman. Des chroniques d'un trio de la génération X (nés entre 1965 et 1985). Presque tous les livres de Coupland sont sous forme de chroniques d'une galerie de personnages.
Ici, on suit surtout Andy Claire & Dag, tous dans la vingtaine (J'avais 21 ans en 1993), et quittent tous leur McJob dans l'indifférence de leurs collègues et choisissent de vagabonder en direction de la côte californienne. À la recherche de changements drastiques qui donneraient un sens à leur vie. Ils marinent dans les résidus de la mémoire culturelle américaine (qui est trois continents, pas simplement les États-Désunis). Réfugiés de la société, les trois migrants développent un régime esthétique de narration, à coups d'alcool, de McJobs, de paies faméliques, d'envergure noyée, de bénéfices volés, de destin sans espoir au service de l'industrie. Ils créé ensemble des fables modernes ou amour, drogue, boudoir de chirurgie plastique, cocktails bars à Palm Springs, histoires amusantes de dégâts nucléaires, overdoses et culture centre d'achats s'amalgament avec beaucoup d'humour. Et de détresse réprimée.
Portrait drôle mais aussi sombre d'un trio dont la forteresse se bâtit dans un monde intérieur, dont les paysages sont parfois composés de télévision jouant des séries télés vétustes. Le trio fraye avec la mort avec ses "moments Elvis" et ses meubles IKEA. De ses fresques pessimico-comiques, naît un portrait plus profond d'une génération qui aura bientôt besoin d'être "réparée".
Parce forcé à l'île des jouets brisés.
Même si ils n'ont jamais été vraiment utilisés.
We're on the road to nowhere
Andy, Dag & Claire sont sous-employés, suréduqués intensément privés et imprévisibles. Ils n'ont aucun endroit ni moyen pour apaiser leurs craintes et leur anémie devient insoignable.
Ils sont de la génération X.
Beaucoup plus drôle qu'à première vue. Mais avec fond pathétique.
Presqu'emo X.
Encore plus pertinent aujourd'hui qu'en 1991.