Lors d’une interview au journal Le Soir, à la question « Ecolo est de gauche ? », la jeune coprésidente Ecolo, Rajae Maouane, a répondu « Je n’ai pas grandi dans le truc gauche-droite. Pour moi, c’est une lecture ancienne. » De son point de vue, elle a raison. Néanmoins, toute opinion politique peut être située vers la gauche ou vers la droite quand on la compare à une autre, selon un certain nombre de caractéristiques. Celles-ci ne sont plus aujourd’hui totalement cohérentes et en cela, le clivage gauche-droite n’est plus nécessairement significatif. Mais quelles sont ces caractéristiques ?
Des valeurs avant tout, dont la liberté et la justice
Dans une première approche « à la grosse louche », on peut clamer que, pour la gauche, ce qui importe, c’est l’égalité, la solidarité, la tolérance, la fraternité. Pour la droite, c’est l’autorité, la sécurité, la tradition, la nation.
Certaines valeurs sont communes, mais avec des accents différents. La liberté est fondamentale pour la droite, tant que la liberté de l’autre n’empiète pas sur ma propre liberté et les privilèges qui y sont liés. Par exemple, la droite occidentale lutte contre l’immigration, car les immigrés sont perçus comme des menaces pour nos richesses et notre confort. La liberté est avant tout économique, liée au mérite : chacun peut (et doit) entreprendre ce qu’il veut pour son bien-être. Celui qui n’entreprend pas en est responsable, car il n’utilise pas sa liberté. Pour la gauche, la liberté est aussi fondamentale, mais il s’agit d’une liberté individuelle et sans limite : chacun fait ce qu’il veut. Les immigrés ont donc le droit d’immigrer, chacun a le droit de pratiquer la religion qu’il souhaite, le droit à l’insoumission est essentiel…
Une autre valeur commune est la justice, mais elle aussi avec des accents différents. La gauche revendique avant tout une justice sociale : il faut lutter contre les privilèges de telle sorte que chacun – quel que soit son contexte et ses actions – bénéficie des mêmes avantages que les autres. Pour la droite, il s’agit surtout d’une justice pénale : ceux qui ne respectent pas les règles de l’ordre social doivent en être exclus et punis.
Constatant que le système socioéconomique sert avant tout le pouvoir et les privilèges, la gauche critique l’ordre social issu du capitalisme et veut le changer en étant progressiste. La droite, par contre, est conservatrice en souhaitant maintenir l’ordre social tel qu’il est et a toujours été, dans le respect de la nation et de l’identité nationale.
Des stratégies différentes, parfois jusqu’à l’extrême
L’existence différenciée de ces valeurs entraîne des stratégies différentes. Alors que la droite prône la non-intervention sociale, par exemple en réduisant la fiscalité au strict minimum tout en soutenant la libre entreprise, la gauche souhaite contrôler les modalités de production et de distribution des biens et des services afin d’assurer la solidarité. Dans le cas de l’extrême-gauche, cette stratégie poussée au bout de sa logique débouche sur une volonté de changement radical du système capitaliste, avec un refus des institutions politiques et sociales, y compris le refus de participer au pouvoir en place. La spécificité de l’extrême-droite est moins liée aux questions stratégiques. C’est plutôt une exacerbation des notions d’ordre social, débouchant sur un autoritarisme, et d’unité organique de la nation, avec le racisme comme corolaire. Cette défense exclusive de la nation amène l’extrême-droite à se rapprocher du « peuple », avec un discours qui peut parfois paraître contestataire mais qui en réalité est populiste.
Tout ça, c’est valable en théorie. Dans la pratique, c’est plus compliqué et on ne sait plus trop qui est de droite ou de gauche : les sociaux démocrates veulent la solidarité mais dans le respect de l’ordre établi, les libéraux sociaux veulent la liberté entreprise mais en assurant que chacun ait le minimum vital, etc.
L’écologie, dans tout ça ?
Les journalistes du Soir ont interrogé Rajae Maouane sur sa nouvelle lecture : « Le choix entre une société ouverte et une autre fermée. » Elle cite son coprésident, Jean-Marc Nollet : « Écologie ou barbarie », emprunté à Noël Mamère, voire à Murray Bookchin. L’idée est qu’une société qui ne voit qu’elle-même va jusqu’à ignorer son environnement et se permet toute décision qui lui est profitable, même au détriment d’autres personnes ou d’autres sociétés. Une telle société fermée ignore le respect des droits humains et la loyauté à l’égard des citoyens tout en jouant un rôle crucial dans la dégradation de la planète.
Un texte d’ETOPIA, Centre d’animation et de recherche en écologie politique, avance que trois valeurs phares balisent l’écologie politique et la « délimitent » par rapport à d’autres courants : l’autonomie, la solidarité et la responsabilité.
- L’« autonomie » est la capacité des personnes ou des groupes de personnes à se fixer leurs propres buts et « voir le bout de leurs actes ». Ce n’est pas seulement la liberté au sens libéral du terme (par opposition à la dictature et l’absolutisme), pas seulement la liberté de faire, mais de maîtriser ce que l’on fait.
- La « solidarité » est l’affirmation de l’égalité en droit et dignité, mais une égalité qui n’est pas seulement affirmée au départ (et « que le meilleur gagne », comme dans le libéralisme du 18e siècle), ni une égalité niveleuse à obtenir comme résultat (comme le socialisme de la première moitié du 20e siècle). C’est le refus que quiconque soit laissé sur le bord de la route : quelles que soit les injustices et les erreurs de la liberté, chacun doit être en permanence remis en position de vivre une vie digne et autonome.
- La « responsabilité », c’est la capacité et le devoir de répondre à la question « qu’as-tu fait ? » : « qu’as-tu fait aux autres ? », « qu’as-tu fait à l’environnement ? ». Il s’agit de la valeur la plus nouvelle apportée par l’écologie politique, par sa compréhension des conséquences à long terme et à longue portée de certains de nos actes, résultant de notre liberté et qui, alors même que nous les pensions « solidaires », peuvent se révéler nuisibles à d’autres humains ou à d’autres êtres vivants, plus tard, plus loin…
Il y aurait encore beaucoup à dire. Pour conclure néanmoins ce billet déjà trop long, je ne résiste pas à la tentation de partager une chanson que j’ai commise : « La valse des vexations » ! Elle semble légère, voire même un tantinet vulgaire, mais je vous invite à l’écouter avec la grille de lecture mise ici en avant. Vous y découvrirez peut-être un autre sens !
Passe encore que certains ne savent pasQue des chaussettes ont un envers et un endroitQue chacun le fasse comme il le sentCar en ce domaine le plus importantEst comme en politique ma foiDe savoir où est la gauche où est la droite
Cela dit, il y a de fortes chancesQu’en arrivant dans ce localLe mec a trouvé une plancheQui refuse de rester verticaleC’est vrai qu’il n’est pas toujours facileDe devoir tenir son enginEn essayant que ne vacilleCette planche tenue par l’autre main
Mais le sommet de la vexationC’est de constater que pas mal de gensMalgré toute leur éducationIgnorent ce qui est évidentUn rouleau de papier WCDoit s’installer nécessairementDe telle sorte qu’il puisse se déroulerLes coupons allant vers l’avant
François-Marie GERARD - FMG © 2005