Jusqu’au 20 janvier, Beaubourg, à Paris propose une exposition de Francis Bacon intitulée « Bacon en toutes lettres ». 11-21h. fermé mardi. vous pouvez agrandir les visuels en cliquant dessus
J’avoue avoir refusé, pour ma visite, de me mettre dans les oreilles la lecture des textes choisis en lien avec les oeuvres. Ce sont des extraits de livres aimés de Bacon, tirés de sa propre bibliothèque. Eschyle, Nietzsche, Bataille, Leiris etc. D’où le titre de l’expo » Bacon en toutes lettres ». L’entreprise est louable. Le rapport entre écriture et art plastique est rarement évoqué. Et pourtant évident. Donc, bravo pour cette initiative. Mais je suis incapable de lire une peinture si, en plus, je dois, en même temps, assimiler un texte (d’autant que, ici, ils ne sont pas faciles, faciles!). Je me suis contentée de lire les textes APRES la visite!!
Venons-en au peintre. Bacon est fascinant. Son oeuvre est terrifiante. J’aime la formule de Philippe Dagen (Le Monde), « on ressort de cette expo hébétés devant des oeuvres impitoyables », écrit-il.
Et pourtant, je me surprends à rester devant ses toiles, à examiner les détails les plus effrayants, à me laisser éreinter par les dissonances de couleurs vives, à prendre du recul pour apprécier l’ensemble des triptyques. De toute évidence, j’aime ce peintre. Attirée par l’horreur? Voyeurisme? Y retrouverais-je mes propres angoisses ou fantasmes, insoupçonnés et enfin mis à jour par quelqu’un d’autre. Par lui, Francis Bacon? Allez savoir!
Je crois que ce ne sont évidemment pas les images elles-mêmes que j’aime, hommes torturés, portraits violentés et fracassés, monstres hurlants ou êtres zoomorphes, personnages contorsionnés, difformes, écorchés… C’est la géniale façon dont elles sont traitées. C’est la représentation parfaite, froide, épurée et maîtrisée de tous ces drames qui, en fait, ne sont que des suggestions. Images questionnées, supposées, douteuses, difficilement descriptibles. Images d’un grand réalisme, mais qui ne sont que des façons d’exprimer les souffrances, la violence innée et les tourments de l’homme. (J’oublie volontairement les sujets, ou du moins ce qui a inspiré directement la plupart de ces peintures, relations sexuelles, tragédie du suicide de l’amant de Bacon etc. )
La condition humaine, ce serait donc… tous ces personnages prisonniers de cages de verre, recroquevillés devant un miroir ou posés sur des petites plateformes en équilibre instable, écartelés, découpés en morceaux, dévorés par des animaux ou en train de fondre et de se diluer…Lucidité de l’artiste?
Et malgré tout, la beauté est là, chez Bacon. Par exemple, ces silhouettes d’un blanc bleuté et rosé, d’une transparence spectrale, qui semblent tourbillonner sur elles-mêmes avant de se désagréger définitivement… J’aime. Ce triptyque d’un magnifique rouge profond enfumé de noir par endroits, « Les Erinyes », est superbe…Et pourtant abjecte : des morceaux de chair perchés sur des tabourets qui n’incarnent que cris et douleur. Le moins déchirant, et le plus beau est le volet de gauche (visuel ci-dessous).
Difficilement explicable… Tout ça. Bref, Bacon est un grand peintre. Et on croit toujours le connaître! Pas vrai! Allez le voir au centre Pompidou!