Election en Tunisie : Nouveau virage politique pour le pays

Publié le 28 octobre 2019 par Podcastjournal @Podcast_Journal

Par Marwa Bouchkara Rédigé le 28/10/2019 (dernière modification le 27/10/2019)

En Tunisie et dans le monde entier, des millions de Tunisiens ont été appelé a faire entendre leur voix par le vote, en l'espace d'un mois, ils ont effet du choisir ceux qui composeront l'Assemblée Parlementaire ainsi que celui qui dirigera le pays pour un mandat de 5 ans. Crédit photo : Direct Info - Webmanager Center

En Tunisie, tout est allé très vite. Tandis que le renouvellement de l'Assemblée parlementaire était programmé depuis des mois, une élection imprévue, et pas des moindres, est venue se greffer au programme politique. Le décès, fin juillet, du président Beji Caid Essebsi, ayant effectivement impliqué l'organisation anticipée d'élection présidentielle. Une décision prise de manière à rassurer car beaucoup on craint pour la stabilité et la sécurité du pays. C'est ainsi que la course au palais Carthage a été lancée. Une course à laquelle 26 candidats ont participé. Pour la première fois dans l'histoire du pays, tous ont pu prendre la parole et débattre entre eux pour défendre leur vision sur des plateaux télévisés.

Un premier tour exprimant un rejet des partis politiques traditionnels

Il aura fallu trois débats pour départager les 26 candidats en course pour le palais Carthage Crédit photo : Yassine Essid pour Kapitalis.com "La Tunisie en campagne présidentielle ou le République aux enchères" publié le 08/09/19

Lors de ce premier tour inédit, seul un candidat, Nabil Karoui, n'a pas pu s'exprimer, ce dernier étant en prison pour des suspicions de fraude et blanchiment d'argent. Et pourtant, de sa cellule, il s'est hissé à la deuxième place avec 15.58% des voix exprimées, juste derrière Kais Saïed, candidat sans parti qui a créé la surprise en arrivant en tête avec 18.40% des voix. Ainsi dès ce premier tour - qui s'est tenu le 15 septembre 2019 - une chose était certaine : les Tunisiens, où plutôt 48 % d'entre eux, ont tenu à exprimer leur ras-le bol. En élisant deux candidats outsiders, et antisystème, le peuple a décidé de stopper l'ascension des classes politiques au pouvoir depuis la Révolution de 2011.

Des législatives boudées...

Sur les bulletins du second tour; deux visages : à droite celui de Kais Saied et à gauche celui de Nabil Karoui Crédit photo MB

Du moins ce fut le cas pour ce premier tour car quelques jours plus tard, le 6 octobre 2019, les législatives ont été un retournement de situation. Une victoire indéniable de l'abstentionnisme ayant mené le parti islamiste d'Ennahdha en tête. En obtenant 19.63% des voix, le groupe mené par Rached Ghannouchi obtint 52 sièges à l'Assemblée, non loin devant le parti Qalb Tounes - Au cœur de la Tunisie, mené par un certain Nabil Karoui qui avec 14.55% des voix emporta 38 sièges. Une nouvelle fois le candidat arrive donc en tête de course. Signe pour certain que le second tour est joué d'avance. Mais en politique rien n'est jamais sûr. L'une des surprises inattendues de ce second tour fut d'ailleurs la libération de Nabil Karoui. Une décision qui répond au respect du principe d'égalité des chances entre les candidats, la détention du chef de fil étant présenté par ses partisans comme un argument valable pour contester les élections en cas d'échec de leur poulain. En ce 11 octobre 2019, la course venait alors d'être relancé avec notamment un débat de dernière minute organisé à seulement 36 heures de l'ouverture des bureaux de vote, qui finalement ont accueillis 56.80% des votants inscrits. Une première pour le pays qui a découvert dès dimanche 13 octobre 20 heures le nom de son nouveau président.

...Mais un président plébiscité

A l'annonce des résultats, des milliers de personnes se sont rassemblées dans les rues pour fêter la victoire de Kais Saïed Crédit photo : afp.com - Fethi Belaid

Entre Nabil Karoui, l'homme d'affaire controversé qui avait placé la pauvreté au cœur de sa campagne et Kais Saïed, l'universitaire diplômé d'études approfondies en droit international public et en droit humain, aucun bénéfice du doute lors des premiers sondages. Kais Saïed l'emporte avec 72.71% des voix. Une domination du à la personnalité même de l'avocat constitutionnaliste désormais président. Comme le précise Michaël Ayari, analyste principal de l'International Crisis Group en Tunisie, le président Saïed "incarne la probité et la lutte contre la corruption, c'est un homme qui croit que tout se règle en appliquant les lois à la lettre [...] il incarne les espoirs déçus de 2011, parle au nom des marginaux, veut rétablir la dignité et combattre les inégalités régionales". Ce fervent défenseur des droits prône également un changement de système où la décentralisation serait de rigueur. Une manière différente de gérer le pays qui permettrait de repartir à zéro en balayant d'un revers les méthodes politiques des partis qui n'ont pas su répondre aux attentes de la population.

Satisfaire ce que "Le Peuple veut"

Dans un pays surendetté, touché par l'inflation, où la défaillance des services publics est incontestable et où le taux de chômage dépasse les 15.3%, seule une chose compte : l'amélioration des conditions de vie. Par ses idées, et sa manière d'être, Kais Saïed a été celui qui semblait le mieux répondre à cette attente. Sa victoire a d'ailleurs conduit à des moments historiques dans tout le pays. Le soir même des concerts de klaxons, des drapeaux de sorties, et surtout l'union de foules en liesse. Au lendemain de l'élection cette joie s'est aussi traduite par une opération de nettoyage dans les rues du pays. Il ne reste plus qu'au nouveau président, qui a prêté serment devant l'Assemblée parlementaire ce mercredi 23 octobre, de faire en sorte de ne pas éteindre cette flamme en tentant de satisfaire ce que "le peuple veut" - slogan de la Révolution de 2011 qui a largement été repris par Kais Saïed lors de sa campagne.

Election Tunisie Marwa Bouchkara.mp3 (2.63 Mo)

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