Deux personnes se retrouvent pour évoquer le souvenir d'un homme décédé trois ans auparavant. Qui était Victor ? Qui sont ces personnes qui revendiquent son amour ?
On est dans le théâtre dit de l'absurde alors le metteur en scène Patrick Rouzaud a choisi d'y aller par plusieurs chemins. Ce sont trois registres successifs, et réellement différents de ton, qui nous sont donnés à voir et à entendre en ce moment du texte de René de Obaldia au Théâtre La Croisée des Chemins.La création a eu lieu l'an dernier avec deux versions. Il est possible que l'effet de surprise était important mais cette reprise avec une troisième version supplémentaire est encore plus savoureuse. Et surtout le doute n'est pas permis à celui qui chercherait une explication raisonnable. Les deux artistes démontrent que toutes les interprétations sont permises.
Le spectateur assis sur la banquette est finalement dans une position comparable à celle de Julie (Mahmoud Ktari) ou de Madame de Crampon (Patrick Rouzaud), prêts à écouter les fausses confidences de l'une à l'autre, leur surenchère dans le délire à propos d'un monstre de perversion qui ... n'existe pas. Nous sommes vraiment au théâtre.
En proposant un registre dramatique ou une version burlesque ou encore plus nuancée on a le sentiment que la pièce s'improvise sous nos yeux, qu'elle pourrait finalement prendre encore un autre tournant, tellement l'écriture de l'auteur est riche de sous-entendus.
Il faut saluer les comédiens car c'est sur eux que tout repose puisque le décor et les accessoires n'évoluent pas et que les modifications de costumes sont légères. L'essentiel repose sur les échanges de regards, le travail sur les voix, le phrasé.
La pièce ne date pas d'hier. Elle a été créé au Théâtre de Lutèce le 8 juillet 1957 dans une mise en scène de Marc Gentilhomme, avecDenise Bailly (Madame de Crampon) et Ludmila Hols (Julie).
Il m'a semblé que le texte d'origine avait été quelque peu modifié mais que par contre il était rigoureusement identique d'une version à l'autre. L'écriture est savoureuse. L'absurdité ne se décode pas immédiatement mais ira crescendo : Trois ans. Comme le temps passe vite ! dit l'une.Ce sont les minutes qui sont longues ! répond l'autre.
Plus tard on apprendra que l'ancêtre du dénommé Victor a pris le nom de quelqu'un qui s'est fait guillotiner à sa place. Que ne ferait-on pas pour de l'argent affirme alors Julie avec naturel.On a le sentiment que l'une surenchérit sur l'autre pour avoir le dernier mot ... Peu importe qui gagne, elle se retrouveront au même endroit et à la même heure le lendemain pour jouer la revanche. C'est absurde. C'est du théâtre. Le coucou s'emballe et le spectateur se réjouit.
Le Défunt de René de ObaldiaMise en scène de Patrick RouzaudAvec Mahmoud Ktari et Patrick RouzaudDu 20 septembre au 1er novembre 2019Les vendredis à 16h 45 ET à 19h 45Au Théâtre La Croisée des Chemins, 43 rue Mathurin Régnier, 75015 Paris