J’étais si attentif
que le soir s’éteignait sur les coupoles
et que les sons gelaient à mes côtés,
se changeant en colonnes spiralées.
J’étais si attentif
que le flottement ondoyant des odeurs
s’affaissait dans l’obscurité
et que je me sentais comme si
je n’avais pas éprouvé le froid, jamais.
Soudain
je me suis réveillé si lointain
et si étranger,
déambulant derrière mon visage,
comme si, du relief insensé de la lune,
j’avais revêtu mes sens.
J’étais si attentif
que
je ne t’ai pas reconnue, et il se pourrait
que tu viennes encore,
chaque heure, chaque seconde,
et que tu passes à travers mon attente d’autrefois
comme à travers le spectre d’un arc de triomphe.
Nichita STANESCU, (1933–1983), Une vision des sentiments, in Les non-mots et autres poèmes, traduit du roumain par Linda Maria Baros, Textuel, 2005