Je l'ai découverte dans l'émission de radio qu'elle animait 275-Allo. Je tombais dessus par hasard, le soir, et je ne me lassait jamais des entretiens avec les enfants. Je réalisais pas encore complètement le tour de force qu'elle pratiquait en tentant de ne pas faire déraper les conversations avec des petites bombes à retardement comme les enfants. Elle dialoguait avec eux sur une variétés de sujets, dans un ballet de phrases aussi comiques que ludiques, et nous faisait des fois découvrir de vraies perles.
J'avais été étonné qu'on lui confie le mandat d'animer l'émission du retour à la maison mais j'ai vite compris pourquoi. Dans le trafic attentatoire, dans le milieu hostile du municipal (l'émission du retour à la maison n'est pas réseau, se concentre principalement sur le municipal), il fallait quelqu'un en mesure d'agir comme tampon réducteur de montée de tension, et elle est tout à fait parfaite pour ça. Encore la semaine dernière, elle épongeait les attaques du Conservateur Gérard Deltell, ancien journaliste lui-même, donc familier avec les codes des entrevues, et comme il sentait la défaite arriver, il était à pic sur à peu près toutes les questions. Elle a encaissé ses attaques avec une élégance et une grâce tout à son honneur. Et pour la première fois, je l'ai sentie en colère. Mais étrangement, aussi prête à rire.
On la sent perpétuellement rieuse. Chacune des photos d'elle nous la montre effectivement avec des yeux très rieurs. La vie ne devrait jamais être assez sérieuse pour ne par la rire bien des fois.
Chaque soir, entre 15 et 18h, elle pilote le 15-18h, avec ce qui nous semble une facilité déconcertante. Je ne doute pas qu'elle doit travailler très fort, bien avant 15h et bien après 18h, mais ça semble couler de source comme la plus jolie rivière qui soit. Elle surfe sur une panoplie de sujets qui exigent une connaissance et une culture relativement généraliste. Et elle peu amuser beaucoup avec des observations très comiques. Et aborde des sujets très sérieux avec une efficacité qui devait en faire une première de classe, j'en suis certain.
Je l'admirais secrètement, sans trop y réfléchir, avant de la retrouver chez Fanny Britt, dans son livre Les Tranchées, où je la voyais maintenant sous un autre jour. Elle témoignait de sa réalité avec ses 5 enfants. Pas de deux unions. Pas de familles reconstituées. 5 grossesses du même homme. Qu'elle aime beaucoup. Et vice-versa. J'ai été charmé par sa pudeur de rarement en parler en public. Elle n'a pas à le faire du tout. Mais 5 enfants, de nos jours, c'est plutôt rare. Et de son point de vue, je suis convaincu qu'elle doit parfois en parler déjà trop.
Quand elle animait 275-Allo, 2-3 de ses enfants devaient déjà être en âge des enfants de son émission. Elle était assez habile et intelligente pour joindre l'utile à l'agréable. Ce que je tente de faire, pas toujours avec succès, depuis 1972.
Facile de voir que je suis désormais tout à fait séduit par elle.
Elle est à l'image des splendides Femmes Québécoises de nos jours, travaillant une bonne partie de la journée, revenant dans une maison en totale dynamique animée.
Elle représente, à mes yeux, exactement ce qui est formidable chez les femmes de chez nous, et que la plupart ne réalisent pas toujours.
Les Femmes importent. Elles sont libres. Elles ont, pour la plupart, l'égalité des chances partout.
L'égalité salariale reste un sérieux contentieux, mais l'égalité des chances, on y touche.
Annie Desrochers est pour moi, source d'admiration et rappel constant qu'au Québec, nos Femmes sont formidables. Que les Québécoises et les Québécois sont formidables.
Étrangement...
...Andrew Scheer et sa femme ont aussi 5 enfants. Et là où ça m'inspire l'admiration chez Desrochers, ça m'inspire un certain mépris absolu chez lui.
Pourquoi?
Parce que j'y vois en partie ce qui explique le mur d'incompréhension entre l'Ouest du Canada et nous. On ne s'y reconnait pas en eux, les Conservateurs. Pas plus qu'au Canada d'Amérique.
La femme, parfois pas plus loin qu'en Ontario, et jusqu'à Vancouver, jusqu'en Alberta assurément, n'est pas la même que celle de chez nous.
Ça étonne toujours.
Les Conservateurs auraient pu gagner les Québécois dans leur vision économique. Le Québec a toujours été économiquement conservateur sinon on serait un pays depuis longtemps. Mais ils ont perdu le Québec, l'Atlantique et l'Ontario au niveau moral. Nos Femmes ne sont pas les leurs. Ça déteint sur tout. Et le seul mot avortement leur fait perdre TOUS les votes féminin.
C'est Donald qui veut construire un mur, et pourtant, c'est chez nous qu'il se dessine. L'Ouest canadien méprise ouvertement le Québec. Entre Winnipeg et Vancouver, les Conservateurs ont obtenu un score soviétique dans le résultat des votes de lundi dernier. Ce n'était pas un choix. C'était un barrage. Une contamination bactérienne.
Un mur.
La division dans le Balkanada.
Des rochers, ça se bouge.
La division est complète (Sheer).
Et solide.