Pour en finir avec les comédiens, de Jean-Luc Jeener

Publié le 25 octobre 2019 par Francisrichard @francisrichard

Dans Pour en finir avec les comédiens, Jean-Luc Jeener dit qu'il aime les comédiens parce qu'il aime les hommes et qu'il n'y a pas plus homme que les comédiens: Ils sont la quintessence de l'humanité. Son amplificateur. Sa cristallisation.

Le comédien a choisi l'aventure, le risque, la densité de vie. Il prend la peau d'un autre pour mieux se plonger en soi-même. Il accepte l'éphémère pour mieux toucher à l'éternité. Il est un miroir dans lequel le contemporain se retrouve.

Bref le comédien exerce le plus beau métier du monde, bien que difficile, surtout s'il le conçoit comme Jean-Luc Jeener, c'est-à-dire comme une création, comme une incarnation réunissant en lui deux natures, une réelle et une fictive

Jean-Luc Jeener compare cette réunion mystérieuse à ce que les théologiens appellent une hypostase, la réalisation en petit de l'incarnation du Christ, qui est réunion en une seule personne de deux natures, la divine et l'humaine.

Jean-Luc Jeener ne peut en finir avec les comédiens que parce qu'il parle d'expérience, ayant derrière lui 50 ans de théâtre et ayant monté plus de 150 spectacles, ayant travaillé avec un bon millier de comédiens de tous horizons.

Cela lui permet de dire qu'un comédien est un créateur et doit être l'instrument de sa création, que cela suppose d'être artiste plutôt qu'ouvrier, de jouer d'âme plutôt que de réflexion. Pour être bon comédien, il suffit d'être naturel... En revanche, pour devenir un très bon comédien, il faut avoir su développer son instrument.

Le metteur en scène est celui qui aide le comédien à réaliser au mieux du possible l'hypostase. Les répétitions sont faites pour cela. Il lui faut intégrer toutes ces données mystérieuses que sont le génie du texte, le génie du comédien, la nature de l'espace scénique.

Un spectacle au théâtre n'est jamais le même, il est unique. Il doit vivre sa vie de spectacle avec tous les incidents inhérents à chaque représentation. C'est, en quelque sorte, son inachevé qui fait sa richesse.

Le spectateur? Le théâtre est fait pour lui: Le théâtre est un lieu où circule l'amour. Et la violence de l'amour. Si le lien a été fort entre metteur en scène et comédiens, il doit l'être tout autant entre comédiens et spectateurs.

Le comédien a une mission dans la société: Il est l'Homme dans toutes ses catégories, dans tous ses attributs, dans toutes ses différences, dans tous ses âges, dans toutes ses joies et ses folies... A condition qu'il l'incarne pleinement et réellement.

Le théâtre incarné que Jean-Luc Jeener conçoit ne peut être aujourd'hui qu'un théâtre pauvre, car il n'a besoin que d'un texte, une scène, des comédiens, des spectateurs et un metteur en scène pour donner chair à tout cela. Mais, malheureusement, même un théâtre pauvre a besoin de quelques moyens pour exister...

A la fin de ce très dense manuel de savoir-vivre au théâtre, à l'usage des metteurs en scène, comédiens et spectateurs, Jean-Luc Jeener conclut:

Le comédien de théâtre, lui, passe, comme passe le théâtre, comme passe la vie. "Rose, il a vécu ce que vivent les roses, l'espace d'un matin" comme écrirait Malherbe.

C'est sa grandeur.

Francis Richard

PS

Depuis le 15 octobre 2019 jusqu'au 2 février 2020, la première partie de l'Intégrale Shakespeare est donnée au Théâtre du Nord-Ouest (que dirige Jean-Luc Jeener).

Le Théâtre du Nord-Ouest se situe au 13 rue du Faubourg Montmartre, Paris IX, Métro: Grands Boulevards (Tél.: 01 47 70 32 75).

Pour en finir avec les comédiens, Jean-Luc Jeener, 160 pages, Atlande (à paraître)

Livre précédent:

Pour en finir avec les intermittents du spectacle (2012)