Les cinq prisonniers, Samir Kantar, Khodr Zaidane, Maher Kourani, Mohammad Sorour et Hussein Sleimane, détenus par Israël ont été libérés, à la suite d’un échange avec le Hezbollah, mercredi 16 juillet. Dans la banlieue sud de Beyrouth, contrôlée par le Hezbollah, c’était la fête ! Tous réunis dans le pseudo-stade de Rayeh, qui ressemblait plus à un terrain vague qu’à un stage, les militants du Parti de Dieu, accompagnés de ceux d’Amal, attendaient l’arrivée de leurs « héros » sur des rythmes musicaux orientaux. Pendant que les chanteurs chauffent l’ambiance, à l’entrée, tout le monde est fouillé afin d’éviter le moindre incident : aucune arme ne doit pénétrer.
A l’intérieur, les femmes et les enfants sont d’un côté, les hommes de l’autre. Tout le monde chante ou encore danse. Moi, je suis bien évidemment du côté des femmes, à la gauche de la scène. Devant moi, la vue est incroyable. Debout sur les chaises, qu’elles soient voilées, non voilées, portent la burka, ou un piercing à la lèvre inférieure, elles sont toutes présentes pour la même raison : l’arrivée des prisonniers et le discours de Nasrallah. Tout comme les hommes, elles agitent des drapeaux jaunes, verts ou encore noirs dans les airs sur le rythme de la musique. Des immeubles entourent le terrain vague. Sur leurs balcons, les habitants scrutent les centaines de personnes à leur pied. En haut d’un immeuble à ma gauche, des petits feus d’artifice sont lancés depuis le toit. D’autres partent des balcons. L’attente commence à se faire longue.
C’est alors que ma vue se brouille jusqu’à ce que je ne vois plus rien ! Un gamin de cinq ans, derrière moi, s’amuse avec son drapeau. Certes il me cache la vue, mais il est fier comme un roi : il a le plus grand. Près de deux mètres. Mais comment fait-il pour l’agiter ? Concentré sur son geste, il ne fait pas attention aux applaudissements qui se durcissent. La foule s’agite. Sa mère se met à hurler !
Je me retourne. Il est près de 21h30, les cinq prisonniers font leur entrée sur scène sur l’hymne du Hezbollah en compagnie… d’Hassan Nasrallah ! Le chef charismatique du Parti de Dieu n’apparaît jamais en public. La foule devient carrément hystérique. A ce moment là, trois femmes en portent une quatrième visiblement évanouie. Autour de moi, les drapeaux s’agitent violemment. Les cris et les youyous se mélangent. Je prends un coup de la part de mon petit voisin qui est maintenant passé à ma gauche. Et j’entends un énorme bruit sourd. J’aperçois alors entre les immeubles délabrés à ma gauche des lumières roses et vertes. Des feux d’artifices. Au fond, derrière la scène, même spectacle. Puis d’un autre immeuble à droite. Et encore d’autres derrière. L’ambiance est festive. Les slogans fusent. « Allahou Akbar ! » (Dieu est grand).
Aux côtés du détenu le plus célèbre, Samir Kantar, Hassan Nasrallah prend la parole. Le silence s’installe. « Ce peuple ne peut jamais être vaincu », a-t-il lancé. La foule s’embrase. « Le temps des défaites est révolu, c’est maintenant le temps des victoires », a-t-il terminé. Les balcons des immeubles sont pleins. Des cris et applaudissements retentissent dans tout le quartier. La foule est en délire. C’est alors qu’il laisse la parole à Samir Kantar. Le prisonnier reçoit un accueil qui me dérange : triomphal ! Il est accueilli en véritable héro, alors qu’il est un meurtrier de sang froid ! Il prend le micro. Le silence s’impose. Tout le monde descend de sa chaise. L’objet reprend alors sa fonction principale. Le gamin à côté de moi, a fini de me donner des coup de drapeaux et se déguise en véritable combattant du Hezbollah : tee-shirt jaune, le drapeau à l’effigie du parti noué autour de la tête à la façon de Rambo, et celui aux couleurs du Liban autour de la taille ! Il est prêt et peut écouter !
Le discours est bref, quelque 15 minutes. En même temps, il n’a pas dû être bien préparé, Samir Kantar a été libéré dans la journée et n’a cessé de voyager depuis. Sa voix est nouée, comme remplie de larmes, mais je ne l’écoute pas vraiment. Il dévoue sa loyauté à Hassan Nasrallah, avant de promettre aux Palestiniens qu’il continuerait sa résistance. Plus que le discours, c’est le personnage et l’accueil qui lui est réservé qui me dérangent. Je ne veux pas vraiment l’écouter, et me concentre sur le futur petit soldat qui joue “à la guerre” à côté de moi, sous le regard amusé de sa soeur aînée. Kantar termine son speech sous les applaudissements. La musique reprend en attendant que le chef du Hezbollah prenne de nouveau la parole. Quelques minutes plus tard, il apparaît sur l’écran géant. Hassan Nasrallah n’est plus présent sur scène, le discours est retransmi. Je quitte le stade. Dans les alentours, la voix du chef charismatique retentit depuis les appartements et les voitures. Tout le monde écoute et se tait, en attendant la suite.
(cf Blog de Mediapart)