Une création originale de la Compagnie Yllana et Rami EldarDirection artistique : David Ottone, Joe O’Curneen et YllanaDirection musicale : Marc Alvarez et Manuel CovèsMise en scène résidente : Dominique PlaideauCréation lumière : Pedro Pablo MelendoCostumes, décor, maquillages : Tatiana de SarabiaChorégraphie : Caroline RoelandsSon : Karim Mechri
Avec Diane Fourès, soprano (Maria), Margaux Toqué, mezzo soprano (Carmen), Laurent Arcaro, baryton (Ernesto), Michael Koné, contre-ténor (Txitxi), Florian Laconi, ténor, en alternance avec Tony Boldan, ténor (Alfredo)
Présentation : Cinq chanteurs d’Opéra se réunissent pour un récital. Débute une performance unique portée par ces 5 « prima donna » dont les voix défient les Dieux à travers un enchaînement surprenant des airs les plus célèbres de l’Opéra (La Flûte enchantée de Mozart, Carmen de Bizet, Les Contes d’Hoffmannd’Offenbach, Nessun Dorma / Turandot de Puccini…), pimentées de quelques emprunts à la pop.Alors que la soirée s’annonçait glorieuse, la scène va rapidement s’avérer trop petite pour accueillir de si grands égos en mal d’amour, révélant les désirs et les failles de chacun…
Mon avis : Tout est dit dans leur nom de scène : « The Opera Locos ». Il est composé d’un mot on ne peut plus sérieux, « Opéra », et d’un autre qui l’est beaucoup moins, « Locos », qui signifie « fous » en espagnol. Leur postulat annoncé est donc d’interpréter les plus grands airs de l’art lyrique mais en y ajoutant une forte dose de dérision et de folie. Ils inventent en quelque sorte un nouveau genre d’expression : l’Opéra-Bouffon. L’opéra comique, quoi !
Dès qu’ils apparaissent, le ton est donné. Maquillages outranciers, coiffures à la punk, costumes hyper colorés, postures extravagantes, on sait tout de suite qu’ils ne vont pas nous jouer L’Opéra de quat’sous, mais « L’opéra de Cinq Fous »… Or, si la gestuelle et les mimiques sont délibérément burlesques, lorsqu’ils chantent, ça ne plaisante pas ! Les voix sont en effet impressionnantes, remarquables. Leur façon d’interpréter les plus grands « tubes » du Répertoire n’est certes pas classique, mais elle est d’un très, très haut niveau sur le plan vocal.Etant inattaquables sur ce registre, ils peuvent s’appuyer dessus pour donner libre cours à leurs divagations. Le spectacle est donc total. C’est un régal absolu tant pour les oreilles que pour les yeux. Les scènes, souvent dignes du cinéma muet, s’enchaînent à un rythme soutenu. Le potentiel artistique des cinq « Locos » est prodigieux. Ils savent tout faire : chanter, danser, jouer la comédie (avec une gourmandise particulière pour le mime). Les chorégraphies sont réglées comme du papier à musique.
La valeur ajoutée de ce spectacle, c’est qu’il ne se compose pas gratuitement d’une succession de tableaux. Il contient un vrai fil rouge. Chacun des personnages possède un profil psychologique parfaitement dessiné et un caractère bien affirmé. Ils sont tous les cinq dans le jeu de la séduction ; autant entre eux que vis-à-vis des spectateurs. Sous nos yeux, on voit en effet naître et se développer trois histoires d’amour. Trois ? Mais ils ne sont que cinq objecterez-vous. Comment peut-on composer trois couples à cinq ? Eh bien je vous en laisse la découverte.
Si l’essentiel du spectacle est destiné à nous faire rire, les auteurs du livret ont eu l’intelligence, pour lui donner de l’épaisseur, de glisser ça et là quelques plages de romantisme, de pure tendresse, de poésie et même de drame. Le public, formé en grande partie de connaisseurs (il faut l’entendre chanter au cours d’une master classe interactive au cours de laquelle il se laisse volontiers mener à la baguette), est conquis. La performance accomplie par ces cinq chanteurs-comédiens est carrément bluffante. Ils sont indissociables. Chacun excelle dans son propre registre vocal et chacun s’amuse à incarner un personnage qui n’est pas que caricatural car au-delà du traitement parodique, il se dégage parfois une réelle émotion.
Lorsque la dernière note de ce spectacle s’éteint, le public, dans lequel j’ai remarqué un grand nombre d’ados (vacances obligent), ce qui est rassurant, se lève spontanément pour une longue standing ovation.Vous l’aurez compris : si vous avez envie de rigoler… tôt, précipitez-vous à 19 heures au Théâtre Libre.
Gilbert « Critikator » Jouin