Le storytelling peut bien entendu être utilisé dans tous les domaines : y compris pour enrichir l'expérience vécue par les visiteurs dans des musées. A condition de s'inspirer des bonnes pratiques qui ont fait leurs preuves.
Justement, une étudiante de la Seton Hall University aux Etats-Unis, Hannah M. Gaston, vient de publier un travail de recherche dans ce sens (publication en . Elle a travaillé sur un type particulier de musées, très populaire aux Etats-Unis : les musées de maisons historiques. D'anciennes demeures qui ont une Histoire et des histoires. Nous en avons aussi un certain nombre en France.
Ce qui est particulièrement intéressant, c'est que ces musées n'ont pas forcément des moyens financiers énormes, pour investir dans de grosses campagnes de communication. Du coup, le storytelling est une excellente opportunité, et parfois même une clé pour assurer la viabilité de telles structures à la situation financière souvent fragile. Qui dit maison historique ne dit pas forcément "maison dans laquelle a habité (ou est né) le plus grand romancier du pays" ! Et donc, la fréquentation n'est pas forcément à la hauteur de ce qui est nécessaire pour exister durablement (et financer le maintien en l'état des objets etc. exposés).
Le champ d'étude :
Inutile de citer tous les musées étudiés par cette étudiante de Seton Hall : délibérément, ce ne sont pas des musées dont nous avons déjà entendu parler en France, et même aux Etats-Unis (il y en a près de 200 je crois à travers le pays, donc, bon, à moins d'être du coin dans lequel ils sont installés...). Dans son étude, elle fait toutefois un focus sur 8 d'entre eux. Voilà, je vous dis Wyckoff House Museum (une ferme du 17ème siècle à Brooklyn), Cliveden and Laramie Plains (une demeure de famille à Philadelphie), qui sont dans ces 8 là, mais c'est comme si je ne vous disais rien.
De bonnes pratiques de storytelling pour les musées :
Quelles histoires peuvent être racontées dans ce type d'établissement ?
- Des histoires, oui, mais sont-elles suffisamment variées ?
Le problème des maisons historiques est qu'elles se réfèrent souvent à une figure stéréotypée, celle du propriétaire historique. Pour les Etats-Unis, ce sera souvent un propriétaire terrien des 18ème-19ème siècles, blanc, chrétien aisé... C'est un modèle qui a été reproduit par de nombreux musées. Mais ce n'est pas forcément le genre d'histoire que recherche le public d'aujourd'hui. Le public veut de la diversité. Cela peut passer par la mise en avant de l'histoire de personnages d'ordinaire passés sous silence. Sont particulièrement sous-représentés : les femmes, les minorités, les personnes qui ne sont ni riches ni célèbres. Nouvelles histoires, nouvelles interprétations des histoires et de l'Histoire. C'est aussi une manière de donner aux visiteurs les moyens de réfléchir, challenger leurs idées reçues sur le passé.
C'est un travail de re-contextualisation. Il s'agit aussi de montrer que l'Histoire et les histoires racontées par le musée sont liées aux enjeux sociaux, économiques et politiques d'aujourd'hui. Une connexion plus forte peut alors s'établir avec les personnages historiques qui ont vécu dans la maison. Cependant, ben souvent, les musées se focalisent uniquement sur une présentation la plus rigoureuse possible du passé. C'est une bonne chose, mais ça ne suffit pas. On en reste sinon à une dimension nostalgique, la représentation d'un paradis perdu. Et on en reste aussi à l'accomplissement d'un objectif de compréhension du passé, sans travail réel sur le lien avec le présent.
- Le public a-t-il une place dans l'histoire ?
C'est une forme de gouvernance partagée du musée. Le choix des histoires qui seront racontées dans le musée peut être collectif, en impliquant une communauté. Il faut aussi accepter d'être à l'écoute de cette communauté en ne se mettant pas sur un piédestal d'expert.
- Le musée est-il suffisamment humain ?
Le problème des musées historiques est qu'ils ressemblent souvent à une collection d'objets sans vie. On aura beau habiller des mannequins en plastique ou en plâtre avec des vêtements d'époque... Il s'agit donc d'aller bien plus loin, en rendant la maison "habitable", avec la vie de famille dans toute sa complexité. Les gens changeaient leur intérieur, leur décoration ? Déplaçaient des meubles ? Eh oui, comme tout le monde, donc il faut faire pareil. Et raconter les histoires liées à des scènes, des objets dans leur usage du quotidien. Et aussi, un détail qui en dit beaucoup : est-ce que, chez soi, on en empêche les gens de s'approcher de certains objets en les entourant d'un cordon rouge ? Non. Humaniser, c'est permettre une connexion plus personnelle avec les anciens habitants de la maison.
Voici donc quelques conseils pour rendre un musée plus narratif, ce qui devrait aussi le rendre plus intéressant pour ses visiteurs. Ils auront alors aussi l'impression d'être un peu chez eux, ce qui n'est pas plus mal pour s'approprier le message du musée.