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Apulée n°2 - octobre 2019

Publié le 24 octobre 2019 par Onarretetout

Cette revue annuelle de littérature et de réflexion initiée par Hubert Haddad s’engage à parler du monde d’une manière décentrée, nomade, investigatrice, loin d’un point de vue étroitement hexagonal, avec pour premier espace d’enjeu l’Afrique et la Méditerranée.

C’est autour du nom prestigieux d’Apulée – auteur berbère d’expression latine qui, avec l’Âne d’or ou les Métamorphoses, ouvrit au IIe siècle une extraordinaire brèche de liberté aux littératures de l’imaginaire – que se retrouvent ici écrivains et artistes venus d’horizons divers. Romanciers, nouvellistes, plasticiens, penseurs et poètes des cinq continents ont la part belle pour dire et illustrer cette idée de la liberté, dans l’interdépendance et l’intrication vitale des cultures.

C’est avec le numéro 2 de cette revue, paru en 2017, que nous aurons, cette année, notre rendez-vous mensuel. 

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Leïla Bahsaïn-Monnier

Titrit et le cimetière juif (extrait)

Ce n’était pas la première fois qu’elle parlait du cimetière ma mère. Le cimetière juif. Et celui-ci n’avait rien de sinistre.
— Plus personne n’y est enterré, et depuis longtemps. Il y a plus de vie que de mort dans ce cimetière. Les enfants y courent, y enterrent les butins de leurs guerres imaginaires et remplissent les airs de leurs cris de joie. Les tombes ont la forme que la main du temps a sculptée sur son passage. Aussi, les enfants jouent à trouver des évocations aux formes des ruines. Comme d’autres, ailleurs, voient des chimères dans les nuages. Il y a longtemps que les nuages ont déserté le ciel. Toi aussi, tu dois te rendre au cimetière juif si tu veux te marier. C’est comme cela que j’ai fait pour épouser ton père. Notre rituel pour marier les filles, c’est notre cimetière juif. Avant le point du jour, la jeune fille, baluchon sous le bras, d’un pas invisible s’y dirige. Rien de compliqué. Une toilette intime, la jeune fille peigne ses cheveux puis se change. Les vêtements, le peigne, et tous les effets de la toilette sont enterrés dans le ventre de la terre. Une vie de célibat abandonnée au royaume des morts.
— Promets-moi de ne pas te fâcher, Immi. Si le cimetière est aussi grand et beau que tu le décris, il est un peu juif notre village alors ?

— Bien sûr qu’il est juif. Nous sommes musulmans et juifs. Et nous sommes bien plus de choses encore (…)


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