Le mari qu’un « tu » interpelle tout au long du livre, « lisait des anthropologues » (p. 97) et particulièrement Eric Chauvier (p.98). Cela se voit par les écrits de son épouse, la narratrice, au travers des aventures du chat, de sa présence, sa chasse et sa mort (même s’il s’agit d’un animal éminemment littéraire de Baudelaire à Capote en passant par Yeats) mais encore davantage à la matière présentée, les inter-relations entre les époux (« tu…. »), ses voisins et son entourage professionnel. L’utilisation du « je » sert à poser un point de vue d’où les situations et les interactions sont décrites en situant chaque propos à sa place sociale. Dès lors, nécessairement, le seul ordre discursif qui reste suit la chronologie pour organiser les 30 chapitres qui nous font accéder à un lotissement « éco-responsable », à de curieuses relations de travail, à diverses professions aisées, et à des rebondissements imprévisibles puisque la contingence préside à la succession des situations. Le second Sartre (celui de La Nausée) se serait reconnu dans ce texte à la poétique savante puisque si « tout nous vient des autres » seules les relations sont à même de proposer des informations sur la réalité sociale.
Mais Julia Deck ne suit pas Chauvier (ni Nathalie Sarraute et beaucoup d’autres…) jusqu’au bout puisque jamais elle n’utilise la forme des paroles des personnages pour en apprécier le sens. Elle ne prend en compte que leur seul contenu, ignorant tout des ambiguïtés que soulèvent chaque parole selon le ton, le rythme, le phrasé… utilisés, sans oublier les fautes de langue même si elles sont rares dans le milieu présenté. Le « tournant linguistique » n’est pas encore arrivé jusque là.
Bernard Traimond