Enfin une belle histoire sur cette saloperie de Mouching qui fait plus rien que de mettre des films et qui a oublié que le lecteur il aime les belles histoires ! Bande de faignasses, prenez en de la graine et remettez vous au turbin !
Il avait amené dans ses bagages une montagne d'épices et autres mystérieux ingrédients de son pays, le Lu Wenfu et, lorsqu'il déballa tout ça de ses valises et une canne à mouches en plus, nous faisions une drôle de tête, le Cyril et ma pomme.
Ce chinois n'était certainement pas un chinois moyen, un fantôme parmi les millions d'autres invisibles citoyens de ce pays encore plus grand que l 'Ardèche.
Ce type avait écrit un livre prodigieux au titre prometteur: Vie et passion d'un gastronome chinois.
Il racontait la vie, l'abondance des mets les plus raffinés disponibles avant l'arrivée de Mao au pouvoir et la misère et l'abandon de ces plats sublimes, rejetés comme étant une hérésie capitaliste, une saloperie petite bourgeoise. Ceci pendant la famine du " grand bond en avant" de 1958 à 1960.
-"Bon, cher Flèche....c'est pas tout ça. Quand allons nous à la pêche ? Connaissant par la lecture du petit livre rouge ( page 69 ) ton prodigieux talent, j'ai fais spécialement le voyage Pékin-Ardèche presque uniquement pour pêcher avec toi !"
-" Mon cher Lu Wenfu, je me dois de te dire que l'été passé fut une tragédie pour nos rivières et la nature en général. Pas une goutte d'eau pendant des mois et des mois. L'Ardèche, ma rivière adorée, tu aurais pu la traverser sans mouiller les semelles de tes souliers. Et nos chers poissons...pas l'ombre d'une écaille à l'horizon. Vides, nos cours d'eau ! Mais depuis deux bonnes semaines il a plu généreusement et, si tu insistes, on pourrait faire une virée afin d'inspecter les lieus prochainement. Tu dois savoir que je suis toujours partant pour jeter ma ligne à l'eau.
-" Avec un énorme plaisir, cher ami occidental. Mais à une condition c'est que je prenne en charge le repas de midi.
- " Ma foi, cher oriental...si tu insistes.
Lorsque nous arrivâmes anxieusement quelques jours plus tard au bord de ma rivière, il était clair que le Dieu de la flotte avait bien bossé. Toute réparée ma belle rivière. Difficile d'imaginer qu'elle fût, il n'y avait pas longtemps plus proche d'une image d'autoroute qu'un magnifique terrain de jeu. Nous enfilames nos wadders à toute vitesse et hop ! En avant.
Le Lu Wenfu, visiblement, savait manier sa cane à mouche aussi bien que sa poêle à frire.
Quant aux poissons, à part quelques timides chevesnes nains, les heures passaient et nos pauvres mouches pleuraient de solitude.
Et ce fût bientôt l'heure du déjeuner.
Et là, chers lecteurs, comment vous décrire ce que notre ami chinois nous avait concocté ? Il faudrait le génie d'un VanGogh pour vous peindre la richesse des couleurs des plats qu'il disposa sur la nappe étalée sur le sol. Quant aux saveurs de la perdrix mandarine, des boulettes de poulet sur flocons de neige, des cœurs de légumes aux miettes de crabes, du bœuf aux cinq parfums, le tout arrosé d'un fabuleux alcool aux cinq céréales....
- "Après un festin comme ça, chez nous, en Chine, afin de garantir une bonne digestion, un bon massage du dos est chose indispensable ! "
Et le Lu Wenfu se mit au boulot et je peux vous garantir qu' à peine le temps de dire "Bonheur absolue " nous ronflions, Cyril et moi comme des locomotives à vapeur.
Lorsque, quelques heures après, notre sieste pris fin, la lumière du jour faiblissait et d' une même voix :" C'est l'heure du coup du soir. Youpiiiiii !"
Une petite heure passa à remplir nos paniers de généreuses et magnifiques ablettes que nous fîmes frire sitôt de retour à la maison.
Lu Wenfu n' en revenait pas de cette simple merveilleuse.
-"Attends un peu, mon ami, s'écria Cyril. Ici, pas besoin de massage pour une bonne digestion. Tiens, déguste un peu ce verre de Cognac des familles et tu m'en diras des nouvelles ! "
A l'heure où j'écris ces lignes, le bruit cours que Lu Wenfu fait la queue devant l'ambassade de France à Pékin afin d 'obtenir la nationalité française.