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Kseniya Moustafaeva, figure de la gymnastique rythmique en France

Publié le 22 octobre 2019 par Etvsport @etvsport

Si à l'école, on est tous passé par la gymnastique, avec plus ou moins de difficultés, que cela soit au cheval d'arçon, à la poutre ou encore à la barre fixe, l'éducation nationale ne nous a pas imposé la GR, soit la gymnastique rythmique. Pour ceux qui ignoraient l'existence de cette discipline, sachez que celle-ci est proche de la danse classique et de la gymnastique, principalement féminine, et qui utilise plusieurs engins d'adresse tels que la corde, le ruban, le ballon, le cerceau et les massues. Ainsi, en France, nous avons la chance d'avoir une championne du nom de Kseniya Moustafaeva, qui a notamment réussi l'exploit de faire une finale olympique aux derniers JO de Rio dans un sport où les pays de l'Est et notamment la Russie trustent tout depuis toujours. De ce fait, Beside Sport a décidé de vous présenter le parcours de cette jeune athlète de 24 ans au caractère bien trempé, au mental incroyable et au talent indéniable !

Kseniya, ton nom ne te trahit pas, tu as des origines des pays de l'Est et donc de Biélorussie. As-tu des souvenirs petite de là-bas ? Ta culture slave est importante ?

Oui, j'ai quelques souvenirs de Biélorussie notamment de la ville de Minsk et aussi de mes entraînements mais honnêtement, c'est tout de même très vague. Après, lorsque je suis revenue à l'occasion de stages ou encore pour voir ma famille, cela s'est légèrement éclairci. J'ai mes grands-parents et mon oncle qui sont toujours là-bas mais à part la famille, je n'ai aucune attache.

Ma culture slave est très présente car, depuis que je suis arrivée en France, ma mère me fait des plats russes et on parle tout le temps russe toutes les deux. Si on se penche un peu sur mon caractère, il y a forcément des côtés russes que ma mère m'a transmis (rires). Après, je n'ai aucune volonté de retourner vivre là-bas, je me sens française et j'aime ce pays.

Du coup, tu es arrivée en France à 6 ans. Des souvenirs ? Tu as appris le français rapidement ?

J'ai des souvenirs du voyage que j'ai fait avec ma grand-mère car mes parents étaient partis tous les deux pour tâter le terrain de leur côté. Et lorsqu'ils étaient installés, je suis venue avec ma grand-mère. Grâce aux albums photos, j'ai des souvenirs notamment lorsque l'on était à Bordeaux, la première ville où on a atterri, c'était très dur car on n'avait pas de logement. Ensuite, on a déménagé à Bourges et là, je me rappelle très bien comment cela s'est passé au niveau des entraînements (rires) et où on vivait.

Concernant le français, je n'avais jamais entendu cette langue avant d'arriver en France mais j'ai appris très rapidement à la maternelle. Je n'ai pas du tout d'accent alors que pour ma mère, c'est forcément plus difficile de perdre le sien. Elle a appris beaucoup toute seule et c'est à force de pratique qu'elle parle bien aujourd'hui.

Tu as débuté la GR à 4 ans. As-tu tout de suite aimé ça ? Quelles étaient tes aptitudes naturelles ?

Alors déjà, j'ai pas vraiment eu le choix d'aimer cela ou pas, je devais le faire et je le faisais. Ma mère avait fait de la GR plus jeune et comme toutes les petites filles dans les pays de l'Est, on les met à la GR. Donc je me suis retrouvée dedans très vite. Au début, j'étais avec une entraîneur avec laquelle c'était du jeu donc ça me plaisait. Par contre, quand j'ai commencé à m'entraîner en France avec ma mère, ce n'était plus la même musique (rires).

Sincèrement, je n'avais pas de don et j'ai énormément travaillé. Premièrement, je n'étais pas souple et sans dire que j'étais raide, j'ai dû me concentrer sur ma souplesse. Et deuxièmement, morphologiquement, je n'ai pas le physique type de la GR. Je suis grande mais il faut plutôt être longiligne et très maigre, ce qui n'est pas mon cas. Ce n'était pas facile à encaisser car je n'entrais pas dans le moule de la GR. Néanmoins, je suis devenue la gymnaste que je suis et je suis très contente et fière de ce que j'ai accompli jusqu'à présent.

Pourquoi choisit-on plus la GR que la gymnastique ?

Déjà car ma mère avait fait de la GR et elle était passionnée par cette discipline donc la question ne s'est jamais posée. Et de mon côté, la gym ne m'a jamais attiré car déjà j'ai peur de monter sur une poutre (rires).

Avoir une maman comme entraîneur, ce n'est pas trop difficile ? Comment fait-on pour séparer les deux ?

C'est très difficile ! Il y a eu beaucoup de déchirures si je puis dire et également beaucoup d'émotions qui rentrent dans tout cela. Quand j'étais jeune, j'ai eu beaucoup de mal à séparer les deux car ma mère mélangeait tout. Ensuite, quand j'ai commencé à grandir, elle a compris qu'il fallait me laisser un peu plus de liberté car sinon j'aurais arrêté. Du coup, on a discuté, ce qui est déjà énorme car dans les pays de l'Est, la communication, ils ne connaissent pas. J'ai dû voir un psychologue et on a fini par trouver un terrain d'entente où ma mère a accepté certaines choses et moi aussi, j'ai fait des compromis. Encore aujourd'hui, il y a des problèmes mais on a fini par trouver un équilibre.

Travailler avec sa mère, c'est unique ! Je sais qu'elle ne me trahira jamais, que j'aurais toujours confiance en elle mais d'un autre côté, énormément de choses rentrent en ligne de compte et parfois ça peut détruire.

Ta vie à Bourges, elle ressemblait à quoi ? Comment arrivais-tu à combiner l'école et la GR ?

C'était GR, GR, GR (rires) ! Ce n'était pas évident au début car on est arrivé dans une structure où il n'y avait pas de section de GR. On était dans une salle de gym avec des agrès mais rien pour la GR donc on nous a laissé un petit tapis pour s'entraîner. Pendant pas mal de temps, on a joué le jeu avec ma maman mais lorsque l'on lançait le cerceau, il touchait le plafond donc ce n'était plus trop possible de rester dans cette salle (rires). Du coup, on est allé au CREPS (Centre de ressources, d'expertise et de performance sportives) de Bourges et là, on nous a mis un tapis mais on était obligé de le dérouler tous les jours. Il y avait le handball en même temps, donc ce n'était pas optimal non plus. Mais j'ai rapidement eu des résultats et donc je suis vite rentrée à l'INSEP (Institut National du Sport, de l'Expertise et de la Performance).

Pour l'école, j'avais des horaires aménagés avec le CREPS, du coup je commençais l'entraînement tôt le matin, ensuite école puis le midi entraînement, je mangeais dans la voiture, puis école et le soir entraînement...comme ça, tous les jours.

Quel regard portes-tu sur ton enfance aujourd'hui ?

(Rires) ! Je ne pouvais rien faire à Bourges étant donné que ma mère avait le contrôle sur tout. Par contre, quand je suis arrivée à l'INSEP, j'étais à l'internat et forcément ma mère avait moins de poids sur ma vie quotidienne. Cela a fait pas mal de problèmes pour rien entre nous. Mais au fond, moi je savais que j'avais un objectif et donc que c'était logique que je ne fasse pas la fête avec mes amis tous les soirs. Je me suis toujours dit que j'allais arrêté tôt car dans la GR, c'est comme ça et du coup que je pourrais me rattraper à ce moment là. Au final, je me dis que j'ai bien fait car j'ai vécu des choses que peu de gens vivent et toute mon expérience a façonné qui je suis aujourd'hui. Je suis armée sur de nombreux points pour plus tard donc je peux remercier la GR mais bien sûr, on aurait pu faire mieux dans mon enfance mais c'est comme ça.

Peut-on réussir dans la GR sans prendre exemple sur l'école russe et un travail acharné au quotidien ?

Oui et non ! Oui car c'est un sport où il faut s'entraîner énormément mais on peut s'entraîner beaucoup et intelligemment. Après les filles russes, elles savent que si elles font leur entraînement, elles seront championnes olympiques. Par contre, elles font une croix sur leur santé mentale et physique car elles finissent détruites. On peut s'entraîner différemment, c'est évident mais c'est dans la culture russe héritée de l'URSS. Néanmoins, il m'arrive de les envier car je sais qu'elles iront sûrement chercher une médaille mais après je sais ce qu'elles subissent donc finalement je suis bien là ou je suis. J'essaie de tirer le meilleur d'elles mais tout en l'adaptant afin que cela soit supportable.

A partir de 2013, tu domines en France et mondialement tu fais partie des meilleures. Il y a eu un déclic ?

En fait, on ne s'en rend pas vraiment compte ! C'est vrai que j'ai été 5 fois championne de France mais bon quand j'allais aux championnats de France, c'était pour un test et pas un objectif. Alors je me donnais les moyens pour réussir car je savais que c'était important mais la pression, c'était lors des grands rendez-vous internationaux. Quand je prends du recul aujourd'hui et je sais que j'en prendrais plus lorsque je vais arrêter, je me dirais que j'ai fais des choses de dingue alors qu'actuellement, je ne suis pas satisfaite. Je voudrais faire encore plus qu'à Rio mais peut-être qu'à Rio, c'était ma limite.

Quand j'ai fini Rio, je me suis dit que je pouvais faire encore mieux mais je n'avais pas pris en considération les changements de codes de la GR et également les changements au niveau de mon corps. Si je me qualifie à Rio, cela sera déjà un exploit car c'est une autre GR, on se rapproche presque du cirque avec du maniement d'engins et peu d'artistique.

Les jeux de Rio, que retiens-tu de cette expérience ? As-tu pu rencontrer les stars que tu voulais ?

Du côté performances, c'est ce qui m'a donné envie de continuer et de faire une autre olympiade ! Je n'avais jamais vu cela de ma vie, c'est tellement de pression, d'émotion,...du coup quand tu réussis, c'est fois 1000. Je me suis entraînée comme une dingue avant les JO, j'ai fait un stage de 10 jours où je m'entraînais 10 heures par jour. Après je me suis mise dans ma bulle le jour de la compétition mais dès la fin du premier engin, j'avais déjà envie de pleurer alors qu'il en restait 3 à faire derrière. C'était hyper fort émotionnellement mais ensuite, tu te concentres sur les autres engins et j'ai pu faire la finale. Je ne m'y attendais pas du tout et forcément le deuxième jour je voulais faire encore mieux et ce n'était pas la bonne approche. Déjà si j'avais fait aussi bien, cela aurait été parfait.

Et hors-compétition, c'était également fou ! J'ai fait la cérémonie de clôture et j'ai fait plein de photos. J'ai rencontré Boris Diaw, vu Usain Bolt sur le balcon, c'était énorme (rires)...après ce qui est un peu dommage, c'est que notre compétition est à la fin et du coup, tu ne peux pas vraiment être dans l'ambiance des Jeux. Quand on est arrivé, à la moitié des JO, on voyait des gens faire la fête mais nous on ne pouvait pas (rires).

Quel est ton objectif à Tokyo si jamais tu te qualifies ?

Je suis une compétitrice donc je donnerais le maximum ! Après je les vivrais sûrement différemment car je sais que c'est ma dernière année. Donc j'essaie de me dire que si je ne me qualifie pas, ce n'est pas grave mais en fait si car sinon cela sera un échec.


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