*Je reproduis ici ce que j’ai publié sur mon compte Facebook personnel en ce 22 octobre 2019.
Il y a 16 ans aujourd’hui que ma vie a basculé.
Le bébé, à 16 ans, est presque adulte!
C’est long, 16 ans! C’est dur à imaginer…
Je n’ai pas eu de journée marquante avec un diagnostic qui tombe comme un coup de poing, et je ne crois pas que j’aurais la date en tête comme ça si ça n’avait pas été de tous ces formulaires à remplir, où j’ai dû indiquer des dizaines de fois que ce 22 octobre 2003 avait été ma première journée d’absence au travail…
22 octobre 2003
Alors, oui, au 22 octobre 2003 tout a changé.
C’est juste 5 ans plus tard que j’ai compris pourquoi, après de longues recherches… et 6 ans avant d’obtenir officiellement le diagnostic.
Mon état s’est soudainement détérioré quand j’avais 24 ans, avec une grosse infection virale, mais j’étais malade depuis ma naissance, atteinte d’une maladie génétique, le syndrome d’Ehlers-Danlos.
On ne le savait pas… mais ça expliquait les nombreuses blessures, le fait que j’attrapais tout ce qui passait, et plusieurs autres symptômes qui ne semblaient pas avoir de lien entre eux, certains qu’on ne remarquait même pas!
Avec le diagnostic du SED est venu celui de syndrome de tachycardie orthostatique posturale (communément appelé POTS, de son acronyme anglais), un type de dysautonomie, et un traitement qui m’a redonné une meilleure qualité de vie… mais la réalité du SED m’a rattrapée et, si j’allais mieux du côté cardiovasculaire, mon état s’est détérioré au niveau articulaire et digestif, puis de nouveaux problèmes de santé se sont ajoutés ces dernières années (neuropathie des petites fibres depuis 2014, ectasie cornéenne en 2017, insuffisance surrénalienne l’an dernier).
C’est bien difficile de revenir sur 16 années.
C’est un ensemble de sentiments mitigés… de la nostalgie pour ma vie d’avant, de la tristesse de ce que j’ai perdu et de ce qui ne pourra jamais être, de l’inquiétude envers ce qui s’en vient.
Mais aussi de la fierté pour ce que j’ai accompli en sensibilisation, du bonheur d’avoir appris à bien vivre avec l’invalidité et du bonheur devant ma vie d’aujourd’hui, ce que je n’aurais pas cru possible en 2004, quand j’ai compris qu’on n’allait pas trouver un diagnostic accompagné d’une cure, que la maladie serait le reste de ma vie.
Leçons
Je peux dire que la chose que je retiens le plus, c’est que ce n’est pas d’être malade qui est le plus difficile, mais tout ce que ça implique : le combat pour un diagnostic, le combat pour les soins et les traitements, la gestion de ces soins et de la prise en charge (quand il y en a une), le manque de respect et d’intérêt de trop de médecins, le manque d’organisation et les obstacles du système de santé, un monde conçu pour des gens en santé, et un système de santé conçu pour des gens qui correspondent aux petites cases.Ces combats constants pour simplement obtenir le minimum n’ont pas lieu d’être et sont épuisants.
Tout aussi difficile : la perte des liens sociaux et l’isolement.
La personne qui a un accident ou une chirurgie imprévue et qui doit passer quelques jours à l’hôpital recevra des visites, des fleurs, des cadeaux…
La personne qui doit garder le lit pendant des semaines ou ne peut quitter sa maison pendant des mois, rien. C’est notre routine, alors bof
Implication
C’est pour toutes ces raisons que je m’implique beaucoup, et cette implication me rend plutôt fière. C’est la chose, quand je regarde derrière et que je vois que ça fait déjà 16 ans, qui me réconforte.
Ma vie de zèbre est encore, malheureusement, la seule ressource du genre au Québec pour le SED et la seule en français en Amérique.
Quand je me fais dire que j’ai permis à une personne de mieux comprendre la réalité des maladies rares ou permis à une personne atteinte de mieux se faire comprendre de son entourage…
Quand j’ai la chance de voir les yeux d’un étudiant en médecine s’éclairer en répondant à ses questions ou qu’un médecin me dit qu’il est désolé de la façon dont un collègue m’a traité et qu’il comprend mieux la réalité d’une de mes maladies grâce à moi…
Quand la commissaire aux plaintes du CISSS de la région ou le Protecteur du Citoyen m’écrivent que j’ai eu raison de me plaindre et qu’ils vont tenter de changer les choses…
Ça m’encourage vraiment à continuer de donner mes heures et mon énergie pour que ce soit plus facile pour les prochains.
Mot de la fin
« Déjà 16 ans que ma vie a basculé. »
Il y a pas si longtemps, j’aurais dit « Déjà 16 ans que ma vie s’est arrêtée », mais je peux dire maintenant que ce n’est pas du tout ça.
J’ai une vie, une belle vie.
Elle est juste différente de ce que j’aurais imaginé.