« C'est un moment historique. C'est l'aboutissement d'un rêve », s'est félicité Gérard Mestrallet, P-DG de Suez. Une union stratégique ? C'est certain. Mais est-il stratégiquement bon pour la France de construire ainsi un groupe qui sera en concurrence avec EDF ? C'est l'une des questions qui se posent depuis des années. Avec une autre, essentielle : les consommateurs en tireront-ils parti, ou non, à court et surtout à long terme ? L'époque est à l'énergie chère... Mais l'heure est tout à la joie des actionnaires et des promoteurs de ce mariage qui pèse lourd : 75 milliards dans la corbeille des mariés !
Tout a été très lentement, depuis la première annonce, en 2006, par de Villepin, avec une série de rebondissements, d'enquêtes (de la Commission de Bruxelles), de remises en causes, de polémiques (sur la privatisation de GDF, notamment), d'actions en justice, de réticences syndicales, de campagnes de publicité. Un vrai feuilleton. Avec un épilogue qui se termine par des votes plébiscitaires : 99,9% chez GDF, 99 chez Suez !
Qui oserait jouer les trouble-fêtes après de tels scores ? Tout juste si les inquiétudes syndicales parviennent-elles à se faire entendre et si une partie de la gauche s'entend elle-même quand elle insiste sur le coté « service public » que doit conserver l'approvisionnement en énergie et...en eau.
Les tenants du « patriotisme économique » peuvent même pousser des cocoricos. Tant pis si un géant plus européen aurait pu, peut-être, peser plus dans ces secteurs où se joue aussi (et de plus en plus) la sécurité : l'énergie, l'eau, le recyclage des déchets, le développement durable, les investissements dans les industries du futur...
La fusion se fera selon une parité d'échange de 21 actions Gaz de France pour 22 actions Suez. Parallèlement, 65% du capital de Suez Environnement seront distribués aux actionnaires de Suez qui recevront 1 action Suez Environnement pour 4 actions Suez, la résolution portant sur ce dernier point ayant elle aussi été approuvée mercredi.
Le nouveau groupe, ainsi que Suez Environnement, feront leurs débuts en Bourse dès le 22 juillet après la publication du décret de privatisation de GDF.(dés ce jeudi peut-être)
D'un point de vue industriel, GDF Suez sera présent sur l'ensemble de la chaîne énergétique (de l'amont à l'aval, dans le gaz et l'électricité, dans l'énergie et les services) et deviendra un concurrent frontal du français EDF et de l'allemand E.ON.
Avec le pôle Environnement, dont il détiendra 35% environ après l'introduction en Bourse, GDF Suez est le premier groupe mondial des services aux collectivités en termes de chiffre d'affaires (74 milliards d'euros en 2007) devant E.ON (69 milliards) et EDF (60 milliards).
Dans un contexte de consolidation du secteur en Europe, d'une flambée des prix du pétrole et de l'ouverture des marchés de l'énergie en Europe, le nouveau groupe souhaite mettre l'accent sur le nucléaire. Sur ce terrain, il pourrait imposer à EDF un premier bras de fer à l'occasion de la construction d'un deuxième réacteur de nouvelle génération EPR en France.
Au niveau du management, il s'agit d'un mariage entre deux cultures différentes d'entreprises. Rien ne s'annonce simple, y compris au niveau des cadres. L'expérience sera intéressante à suivre, et pas seulement en écoutant les cours de la Bourse.
William PETITJEAN
Les chiffres du nouveau géant de l'énergie
Le nouveau groupe
Cumulés, les chiffres d'affaires de GDF et Suez atteignent actuellement 74,9 milliards d'euros, contre 68,7 milliards à l'allemand EON, 67 milliards au russe Gazprom et 59,6 milliards au français EDF.
La valeur boursière totale des deux groupes français dépassait mardi les 93 milliards d'euros.
GDF et Suez emploient ensemble près de 200.000 salariés, dont 62.000 pour le pôle environnement (eau et déchets) de Suez.
Le futur groupe prévoit d'investir une moyenne de 10 milliards d'euros par an entre 2008 et 2010, et vise une croissance de son bénéfice d'exploitation de 10% dès 2008, pour atteindre 17 milliards d'ici 2010.
Le dividende de GDF Suez devrait par ailleurs croître dans une fourchette de 10 à 15% par an entre ceux payés en 2007 et 2010.
GDF et Suez ont déjà annoncé mardi le versement à leurs actionnaires d'un dividende exceptionnel de 0,80 euro par action, après le 31 août.
La fusion
La fusion est réalisée à travers l'échange de 22 actions Suez pour 21 actions GDF. Pour compenser la différence de valeur boursière entre les deux groupes, Suez va en outre mettre en Bourse la majorité de son pôle environnement.
Plus de la moitié de ces activités (65%) seront distribuées aux actionnaires de Suez. GDF Suez en détiendra 35% et les principaux actionnaires de Suez 12%, liés entre eux par un pacte.
L'organisation de gdf-suez
Le patron de Suez, Gérard Mestrallet, sera le PDG du nouveau groupe, tandis que Jean-François Cirelli, actuel PDG de GDF, sera vice-président et directeur général délégué.
GDF Suez sera également doté d'un conseil d'administration de 24 membres: 10 proposés par Suez, 10 par GDF, et quatre représentants des salariés.
Son capital sera détenu à 45% par les actionnaires de GDF et à 55% par ceux de Suez. L'Etat, qui détient actuellement 80,2% de GDF, sera son premier actionnaire, avec 35,6% du capital, devant Groupe Bruxelles Lambert, société d'investissement du financier belge Albert Frère (5,3%).