là où les femmes rayonnent de langage
là où la mort est belle dans la main comme un oiseau saison de lait
là où le souterrain cueille de sa propre génuflexion un luxe de prunelles plus violent que des chenilles
là où la merveille agile fait flèche et feu de tout bois
là où la nuit vigoureuse saigne une vitesse de purs végétaux
là où les abeilles des étoiles piquent le ciel d’une ruche plus ardente que la nuit
là où le bruit de mes talons remplit I’espace et lève à rebours la face du temps
là où I’arc-en-ciel de ma parole est chargé d’unir demain à l’espoir et I’infant à la reine
d’avoir injurié mes maîtres mordu les soldats du sultan
d’avoir gémi dans le désert
d’avoir crié vers mes gardiens
d’avoir supplié les chacals et les hyènes pasteurs de caravanes
je regarde
la fumée se précipite en cheval sauvage sur le devant de la scène ourle un instant sa lave de sa fragile
queue de paon puis se déchirant la chemise s’ouvre d’un coup la poitrine et je la regarde en îles
britanniques en îlots en rochers déchiquetés se fondre peu à peu dans la mer lucide de I’air
où baignent prophétiques
ma gueule
ma révolte
mon nom
*
Prophecy
there where adventure remains clear-sighted
where women radiate language
where death in the hand is beautiful like a milk season bird
where the tunnel gathers from its own genuflexion a profusion of wild plums fiercer than caterpillars
where the agile wonder leaves no stone nor fire unturned
there where the vigorous night bleeds a speed of pure vegetation
where the bees of the stars sting the sky with a hive more ardent than the night
where the noise of my heels fills space and raises the face of time backwards
where the rainbow of my speech is charged to unite tomorrow with hope and the infant with the
queen,
for having insulted my masters bitten the sultan’s men
for having cried in the wilderness
for having screamed at my jailers
for having begged from the iackals and the hyenas shepherds of caravans
I watch
the smoke rushes like a mustang to the front of the stage briefly hems its lava with its fragile peacock
tail then tearing its shirt suddenly opens its chest and I watch it dissolve little by little into
British isles into islets into iagged rocks in the limpid sea of the air
where my mug
my revolt
my name
prophetically bathe
***
Aimé Césaire (1913-2008) – Les Armes miraculeuses (Gallimard, 1946) – The Collected Poetry (University of California Press, 1983) – Translated by Clayton Eshleman and Annette Smith.