C'était la saison des remises de prix littéraires il y a peu de temps et alors qu'on aurait pu attendre 2 gagnants, on en en plutôt eu le double.
Le prix Nobel de Littérature 2018 n'avait jamais été distribué suite aux révélations, dans la foulée de l'important mouvement #MeToo, d'inconduites sexuelles multiples, de fuites et de douteuses pratiques financières. Plusieurs des membres de l'Académie Suédoise avaient alors choisi de démissionner tant que rien ne serait fait contre ceux qu'ils savaient coupables de ces choses. Une sale affaire.
Cette année, on a donc choisi de donner un Prix Nobel de Littérature rétroactif, celui de 2018, puis un autre, celui de 2019.
Le Prix Nobel de Littérature récompense annuellement depuis 1901 un(e) écrivain(e) ayant rendu des grands services à l'humanité grâce à son oeuvre littéraire qui, selon le testament du chimiste suédois Alfred Nobel, a fait preuve d'un puissant idéal.
C'est la récompense littéraire la plus prestigieuse et la plus médiatique au monde qui assure une promotion planétaire de l'oeuvre de l'artiste choisi(e).
Il n'est pas rare qu'une remise ait une portée politique qui soit un désavoeu d'un régime politique. Ainsi des critiques de régime autoritaire ont récompensé des exilés, des dissidents, des contestataires, des persécutés ou des auteur(e)s d'interdit de publication dans leur pays comme le Guatémlatèque Miguel Angel Asturias, les Soviétiques Boris Pasternak et Alexandre Soljenitsine, le poète Chilien Pablo Neruda et le Chinois Gao Xingjan.
Suite au scandale sexuel de l'an dernier, on pouvait s'attendre à trouver, au minimum, une Femme parmi les lauréats de cette année.
Pour 2018, on a récompensé l'auteure polonaise de 57 ans Olga Tokarczuk.
Écrivaine, activiste et reconnue intellectuelle, elle est, chez elle, l'une des plus acclamées par la critique et par le public. 2018 est une excellente année pour elle puisque son livre Flights avait aussi remporté le Man Booker International Prize.
Elle est reconnue pour son ton mystique. Formée comme psychologue à l'Université de Warsaw, elle est aussi auteure de poésie, de nouvelles et de courtes proses. Deux fois, elle a gagné le Prix Nike, distribué en Pologne. Elle a aussi remporté l'International Bridge Prize remis à la personne ayant fait une saine promotion de la paix, du développement démocratique et de la compréhension mutuelle entre Européens.
Ses oeuvres comprennent Drive Your Plow Over The Bones of The Dead, Les Enfants Verts, Flights, Primeval & Other Times et House of Day, House of Night.
Pour 2019, on a récompensé l'auteur autrichien de 76 ans Peter Handke.
Ironiquement, je vous parlais de lui par la bande quelques jours avant la divulgation.
Nouvelliste, auteur de théâtre, traducteur, poète, réalisateur de film, scénariste, dans les années 60, il a été reconnu pour sa pièce Outrage au Public et la nouvelle L'Angoisse du Gardien de But Au Moment du Pénality. Wim Wenders, avant Les Ailes du Désir, avait adapté cette nouvelle en film au début des années 70.
Bouleversé par le suicide de sa mère en 1971, il lui rend hommage dans son livre A Sorrow Beyond Dreams. Controversé individu, il avait fait un discours fort remarqué aux funéraires de Slobodan Milosevic, discours qui avait alors été décrit comme une apologie du nationalisme de droite radicale Serbe.
C'est une douzaine de prix dans le monde qu'il a gagné, incluant le Georg Büchner Prize, en 1973, le Nestroy Theater Prize pour l'ensemble de son oeuvre l'an dernier, et maintenant, le Nobel.
Ses oeuvres comprennent Outrage au Public, La Femme Gauchère, L'Absence, Par Une Nuit Obscure Je Sortis De Ma Maison Tranquille et La Grande Chute.
Le Booker Prize est remis à un auteur vivant ayant écrit en anglais. Ce prix garantie aussi la gloire internationale pour l'auteur(e) choisi(e).
Jamais, depuis sa création en 1968, n'avait-on récompensé deux personnes pour un même prix, une même année.
V.S.Naipaul, Iris Murdoch, Salman Rushdie, J.M.Coetzee (2 fois), Kingsley Amis, Michael Ondaatje, Ian McEwan, Margaret Atwood, Yann Martel et Julian Barnes ont déjà gagné de ce prix.
Ce qui rend la remise de cette année, un peu discordante.
Margaret Atwood l'a gagné en 2000 pour son roman The Blind Assassin. C'est une auteure formidable, une poétesse et une critique littéraire d'Ottawa qui voit son roman The Handmaid's Tale adapté en série de télé de manière admirable et qui est mondialement reconnue depuis un bon bout de temps.
Ces oeuvres comprennent: The Circle Game, The Edible Woman, Survival, Cat's Eye, The Robber Bride, Alias Grace, Oryx & Crake et The Testaments, pour lequel elle vient d'être honorée.
Je ne veux rien lui enlever, l'auteure de 79 ans est fabuleuse.
Mais on en retient que son nom, là où Bernardine Evaristo marque l'histoire.
Le Prix Booker, lorsque créé en 1968, ne distribuait ses prix que parmi les citoyens du Commonwealth, de l'Irlande et du Zimbabwe avant de s'ouvrir au monde, en 2013. Jamais auparavant, une auteure à la peau noire n'avait remporté ce prix. C'était même interdit de nommer deux gagnant(e)s un seul trophée existe. Ce qui a rendu la photo des relations publiques un peu absurde.
Britano-Nigérienne, Bernardine a 60 ans. Auteure de 8 romans depuis 1994, elle est aussi critique littéraire pour le journal The Guardian.
Ces oeuvres sont: Island of Abraham, Lara, The Emperor's Babe, Soul Tourists, Blonde Roots, Hello Mum, M.Loveman et Girl, Woman, Other, qui raconte la vie de 12 personnages, croisant passé et présent pendant des décennies, au Royaume-Uni. On y suit principalement des Femmes noires négociant leur passage sur terre.
Féminisme, politique, patriarchie, succès (et son contraire), relations individuelles et sexualité sont des couleur de sa palette à dessin.
Pour dire à quel point les deux Femmes ne sont pas au même endroit dans leurs parcours, Margaret donnera tout l'argent du prix à une oeuvre de charité tandis que Bernardine investira la totalité sur le paiement d'une hypothèque.
Olga Tokarczuk
Peter Handke
Margaret Atwood
Bernardine Evaristo
Tous à découvrir si vous ne les connaissiez pas déjà.