Matcha 2019 et premières (?) mondiales

Par Florentw
Avec l'arrivée des nouveaux matcha, je me vois chaque année, comme pour le gyokuro, à répéter la même chose. D'une manière générale, et quasiment comme une règle à Uji (Kyôto), jamais on ne sort les nouveaux matcha (tencha) au printemps. Pas de shincha pour ces thés là, car considère qu'ils ont besoin de maturation pour être consommable. Ainsi, c'est au printemps que les matcha issus de tencha fabriqués au printemps de l'année commencent à être utilisés.
J'écris "utilisés" car proposer des matcha sans blend (c'est à dire provenant d'une seule plantation, un seul cépage, et une seule récolte) comme je le fait n'est pas courant, et que plus encore que pour les autres thés japonais, l' assemblage est la norme. Et en fait, à partir de l'automne, plutôt que de mettre en vente le matcha de l'année, on commence à intégrer celui-ci au matcha de l'année précédente, la proportion augmentant peu à peu au file de la saison. Cela permet d'avoir une stabilité de goût tout au long de l'année, et de palier au manque de force relatif qui caractérise encore les matcha de l'année à l'automne, pour les vrais matcha haut de gamme en tout cas (plantation non-taillée shizenshitate, donc récolte manuelle, ombrage sous tonnelle,  une seule récolte possible par an). Cette manière de faire est tout à fait applicable à du single origin, en ne mélangeant que les millésimes de l'année et de l'année précédente d'une même plantation. C'est dans l'idéal ce que je voudrais faire dans le futur avec les superbes matcha de Uji-Shirakawa de M. Tsuji, mais pour l'instant, à mon échelle cela est un peu compliqué. (pour ceux que cela intéresse pour comparaison, il me reste quelques boîtes des Asahi et Uji-hikari 2018)


Plantation shizen-shitate à Uji-Shirakaza, cépage Uji-hikari
Voici donc venir cette année encore les cépages Samidori, Asahi, Uji-hkari, et Gokô de M. Tsuji. Il s'agit bien sûr de matcha faits à partir de tencha cultivés en plantation non-taillée shizenshitate. Bien évidemment, avec ce type de plantation l'ombrage direct et la récolte mécanique sont impossibles.  Les théiers étant coupés très bas après la récolte, on ne peut pas non plus utiliser ces plantations pour des deuxièmes récoltes.
En fait, si ce type de culture devraient être la définition de base du "matcha", dans la réalité cela ne représente pas même 5% de ce qui est vendu dans le monde en tant que matcha ! (là encore je me répète, mais il est toujours bon de le rappeler, tant le matcha est probablement le type de thé japonais le plus massacré dans le monde sur l'autel de modes et des méconnaissances diverses).
Après, en 1ère récolte on trouve des matcha en plantation classique, ombrage direct, récolte mécanique, etc. Puis aussi des matcha de secondes récoltes (chose qu'on ne trouve pas pour le gyokuro, qui pourtant du point de vu de la culture répond aux mêmes méthodes et variations). Je passe sur le moga-cha (partiellement malaxé) et le aki-ten (tencha d'automne non ombré !!) qui ne devraient plus pouvoir être vendu en tant que matcha.
Je m'étais toujours tenu à la définition rigoriste du matcha avec seulement du shizen-shitate. Cette année je rajoute deux matcha, de 1ère récolte évidemment, mais en récolte mécanique, ombrage direct pour l'un, ombrage en tunnel pour l'autre.
Ce n'est pas tant pour proposer des matcha plus bon marché que pour présenter deux cultivars de Uji très rares que j'ai choisi ces deux thés.
Le premier est fait à partir de Hôshun, cépage relativement nouveau issu de Samidori, le deuxième à partir de Kyôken-283, plus ancien, non enregistré officiellement.

La mise en vente de matcha single origin faits avec ces deux cépages est peut-être une première mondiale !  C'est en tout cas une extrême rareté. 
Compte tenu du manque d'expérience que l'on peut avoir sur ces cépages rares, il est naturel que personne ne s'y risque avec des matcha très haut de gamme de type shizen-shitate.


Le matcha Hôshun provient de Minami-Yamashiro. Comme noté plus haut, Hôshun est encore tout récent, enregistré en 2006. Il est encore peu utilisé, mais j'ai pu en voir tout de même en sencha non ombré, en gyokuro (voir ici), et donc en matcha maintenant. Issu d'une graine de Samidori, il est très hâtif, et semble plutôt destiné au gyokuro. On n'y verra pas de caractéristique très forte comme sur un Gokô ou un Uji-hikari, mais plutôt de l'équilibre, et plus de la légèreté. Difficile à dire sans une plus vaste expérience avec lui, mais Hôshun me semble cependant intéressent pour le matcha.
Voici donc un matcha relativement léger, velouté, avec un umami évidemment présent, mais pas écrasant. Peu ou proue d'astringence. Il est très long en bouche avec ses arômes crémeux, et (encore) un peu végétaux.
Très agréable aussi au nez, il ne faut pas s'y tromper, malgré l'impression aérienne qu'il peu donner, il possède suffisamment de corps. Néanmoins, sa fluidité, sa rondeur, son umami typique mais modéré en font une superbe porte d'entrée dans l'univers du matcha.


Avec Kyôken-283 de Wazuka (kyôken est une abréviation pour le centre de recherche départemental de Kyôto) on a un matcha au caractère tout à fait différent.
Sans que l'attaque soit agressive, ce thé possède une présence très forte. Sans astringence non plus, on y trouve un umami profond et prononcé, ce qui semble être une caractéristique de ce cépage rare, non enregistré officiellement. Sélectionné à partir de théiers indigènes zairai de Uji, Kyôken-283 semble avoir une personnalité plus marquée, avec des arômes de fruits rouges, surtout en after, évoquant même du raisin noir sucré.
Mis en comparaison du Hôshun, les différences aromatiques sont évidentes. Nous avons là deux matcha très abordables aux caractères différents, complémentaires, qui répondront à des envies, des moments de la journée différents.
Bien sûr, ces matcha récoltes mécaniques tiendront plus difficilement la comparaison avec les matcha shizen-shitate de Uji-Shirakawa, non pas en ce qu'ils pourraient être beaucoup plus âpres ou manquants d'umami, leur umami est tout à fait perceptible et ils ne sont pas spécialement tanniques, non pas même qu'ils manqueraient de force, mais simplement qu'ils ont moins de profondeur, moins d’élégance pourrait-on dire. Mais cela est finalement assez naturel.