Chaque mois, vers le milieu, tout comme je le fais pour la littérature (dans les 10 derniers jours) et comme je le fais pour le cinéma (dans les 10 premiers), je vous parle de l'une de mes trois grandes passions: la zizik.
Je pige dans ce que je possède et tente de vous faire ce que j'ai beaucoup beaucoup aimé en vous disant pourquoi et comment.
Le titre de la chronique est inspiré de 4 albums que j'ai écouté ad nauseam durant ma prime jeunesse et dont je connais absolument toutes les notes, les subtilités, les courbes musicales et les mots. Ces albums sont mon ADN musical.
Par ordre de création:
Blonde on Blonde de Bob Dylan
The Idiot d'Iggy Pop
Low de David Bowie
The Unforgettable Fire de U2
B.I.B.I. c'est moi. C'est aussi la terminaison du terme habibi, qui, en dialecte irakien veut dire je t'aime.
Musique, je t'aime.
OMNIPOP (IT'S ONLY A FLESH WOUND LAMBCHOP) de SAM PHILLIPS
1996.
Trois ans avant ma paternité, je suis employé d'un magasin de musique du 450. Quelques fois, un artiste se pointe en magasin et notre harmonie du jour se désorganise. Parce qu'on est pas assez impressionné par l'artiste en question pour se soumettre à des regards de suiveurs d'idoles, ce qui plaçait toujours nos boss dans un drôle d'embarras. Sylvain Cossette? Richard Abel? Carmen Campagne? Chaque fois on a tous prétendu être super occupés pour pouvoir lui accorder moins d'attention.
J'ai une photo de nous tous, peut-être 8-9 employés, dont le boss, seul fier de la photo, avec Marie-Denise Pelletier au centre, qui non seulement sentait notre manque d'enthousiasme à tous, mais qui semblait aussi se chercher un endroit dans l'univers où se placer. Pas sur qu'elle ait encore tout à fait trouvé. Nos visages fermés sur cette photo speaks volumes!
Nous approchions nos rencontres d'employés avec la même désinvolture. Et pour s'assurer de nos présences à ses réunions, on nous promettait de pouvoir piger dans le bac des copies promo de CD que les acheteurs du magasin recevaient, après cette réunion.
Les attentes étaient nulles. Pas de rares Pink Floyd époque Syd Barrett ou de Miles Davis en session secrète. Mais quelques bijoux. Comme cet album que je prends à l'aveugle. Inspiré par la jolie blonde que je découvre sur le dessus, qui n'a pas envie de vendre son corps. En effet, je découvre qu'elle vendra sa musique.
Que J'A-DO-RE-RAI.
Contre toute attente
Sam Phillips est Lesley Ann Phillips. Dans une première vie, elle est naïve chanteuse "chrétienne". Elle sera très bonne et sollicitée dans ce particulier créneau. Elle enregistrera 4 albums "chrétiens" et sera nommée aux Grammys dans la catégorie de meilleure performance par une chanteuse dans le style gospel en 1985. Pour son dernier album chrétien, elle sera pairée avec le musicien et producteur T-Bone Burnett, qui l'épousera aussi. Elle aura légèrement honte de son passé religieux chanté et l'évoquera peu souvent. Les albums qui suivront seront produits par T-Bone Burnett.
Avec l'aide de Burnett, à partir de 1987, elle lance des albums plus pop. Le premier passe plus ou moins inaperçu, mais pas le second. Et surtout pas le troisième, si intéressant qu'il la fait nommé dans la catégorie meilleure performance par une chanteuse rock aux Grammys.
Je la découvre au 4ème. Qui sera une déception pour la critique (et aux ventes) pour le moins injustifiée à mon avis car pour mes oreilles, c'est un album parfait.
Dans une liste de lecture que je me ferai de son matériel, sur 30 chansons dans la liste, je garderai 11 des 12 morceaux de cet album.
Sa voix, légèrement éraillée m'en fait une Bob Dylan moderne pour l'oreille. Avec quelques touches de chrétienneté (où Dylan a aussi puisé pendant un temps). Je lui trouve quelques airs de John Lennon ou de R.E.M. par moments aussi. Une Tom Waits féminine.
Les comparaisons ne seront pas gratuites puisqu'elle couvrira le premier sur une reprise de Lennon et travaillera avec R.EM. sur cet album que j'adore.
L'album suivant, Fan Dance, est tout aussi magique.
La trilogie Martinis/Omnipop/Fan Dance vise juste dans ce qui me plaît.
Et je la trouve franchement, franchement, FRANCHEMENT, très jolie.
Le morceau d'ouverture est très bon. Donne le ton vers de nouveaux horizons sonores que Sam et son équipe n'avaient pas encore explorés tant que ça sur les albums précédents. C'est cet audace qu'on a pas aimé chez les critiques. J'aime beaucoup l'instrumentation de ce morceau. Je ne sais trop pourquoi j'y lis une évocation ou une certaine lecture de (feu) la relation Nicole Brown et O.J. Simpson. Marc Ribot, à la guitare me plait beaucoup.
Le second morceau est le seul que je n'ai pas gardé sur mes listes de lecture. Trop cubique. C'est aussi ce qu'on a reproché à Sam pour cet album: les paroles parfois trop simples. Le plastique est éternel? Bien entendu. C'était le morceau a laisser tomber.
Il y a un petit côté "cirque" qui me plaît beaucoup chez Sam. La chanson qui suit sera utilisée (Sam aussi) dans le film de Wim Wenders, The End of Violence. La première ligne fait référence au délirant film What's New Pussycat? . La parenthèse du titre de l'album fait lui, référence, à une ligne de la comédie de la même époque, The Producers. Sam avait l'intention de s'amuser sur cet album. Une Femme qui s'amuse est toujours séduisant.
Le quatrième morceau est le premier sur lequel j'ai accroché. Je le trouve, justement, amusant. Mentalement, j'y vois toujours un dessin animé ou une film d'animation. La chanson me rejoint n'accordant pas une importance démesurée à l'argent. Il me rejoint davantage avec la ligne "Everything That I'm Not, is All That I've Got" qui serait un titre parfait de ma biographie. Les cuivres et la guitare hawaïenne sont adorables là-dessus.
Le cinquième morceau utilise encore les cuivres, de manière plus sombre, comme dans un film noir, avec une trompette à sourdine, j'aime beaucoup l'atmosphère au parfum délétère.
Le sixième morceau a quelque chose d'autochtone. La percussion. La maelstrom musical de ce morceau est tout simplement formidable avec ses envolées sonores presque spirituelles. Je ne me lasse pas d'entendre cette pièce légèrement désespérée. Qui évoque Jésus sur la croix et l'équilibre de Sam. Chute mentale à soigner. Je suis volontaire pour la guérison.
Le 7ème morceau aurait pu être un morceau signé R.E.M. (ça s'en vient). Elle a aussi quelque chose de la chanteuse des Divinyls. (Paix ait son âme).
Le morceau suivant n'est qu'un pont instrumental. Le squelette d'une idée de chanson. D'où le titre. J'aime beaucoup le côté industriel de la chose.
La chanson qui suit est l'une de mes préférées. Les arrangements sont merveilleux. Le refrain est une belle slide. Je ne comprends pas le non souhait de la compagnie de disque de ne pas promouvoir (et au final d'abandonner) l'album et l'artiste.
Un second "pont" suit. Ce n'est pas qu'instrumental cette fois, mais ne dure que 48 secondes. Elle respecte le thème de sa chanson avec une partition compulsive et de courte durée. Ces bribes musicales seront si bien qu'on la recrutera pour les composer dans la série à succès Gilmore Girls. Sa musique colore toute la série.
L'avant dernier morceau me plait aussi beaucoup. If we go where the action is. C'est plein de promesses d'aventures et extrêmement séduisant.
L'album clôt en beauté avec le morceau composé et interprété avec R.E.M. La musique est en partie jouée à l'envers. J'aime l'audace. J'aime aussi le rôle refusé par l'auteure dans sa chanson. Phillips y joue du chamberlin. La portion (avec Micheal Stipe aux voix) "make you laugh..." me fait chaque fois frisonner. Je la chante (assurément mal) au volant de bout en bout avec beaucoup de
bonheur.
Pendant que Beyonce, Ariana et consoeurs chantent leurs recommandations amoureuses, corps à vendre à l'appui, Sam ne chante que le plaisir d'être en compagnie de l'être aimé, appuyé de sons diversifiés.
Pour amateur de Tom Waits (au féminin) & Kathleen Brennan, folk, pop industriel, rock, de voix nasillardes et éraillées, d'ondes dissonantes, de T-Bone Burnett, Marc Ribot, de poussières catholiques, de Femmes.
I Love U Sam, Deeply.
Not some sentimental prison