Photo L.V. août 2018
Je crois que dans quasiment tous mes livres il y a un arbre. Peut-être parce que je le porte dans mon prénom, finalement ! Je me souviens que, spontanément, adolescente, un jour de déménagement où je quittais une maison pleine de souvenirs, j'avais trouvé normal de poser ma main sur chacun des arbres. C'était une manière de dire au revoir et merci. J'avais conscience de ce qu'ils m'avaient donné. Mes grands-parents étaient des paysans morvandiaux, et j'ai hérité d'eux un grand amour de la terre. Quand j'étais petite et que j'étais en vacances chez eux, je faisais du vélo dans la campagne, et je regardais les charolais dans les prés. C'est magnifique, comme animal ! J'aimais cette lenteur de manducation, cette manière de respirer la terre. A chaque fois que je lis où Rilke écrit " De tous ses yeux la créature voit l'Ouvert " je repense à cette images des grand bœufs blancs dans le Morvan. Ils font partie d'un monde
qui est en train de disparaître, parce que les hommes n'ont pas su en prendre soin. Comme le dit le neurobiologiste du végétal Stefano Mancuso dans L'Intelligence des plantes, un livre passionnant, si les plantes disparaissent, l'humanité disparaîtra très vite, puisque les plantes sont le début de la chaîne alimentaire. En revanche, si l'humanité disparaît, les plantes se porteront très bien. Elles se diront avec leur sens aiguisés : " Tiens, on n'entend plus le brouhaha des hommes"... Elles sentiront qu'elles peuvent y aller, et elles pourront croître et croître. Alors elles vont proliférer très vite, et tout engloutir. Même la tour Eiffel sera recouverte de liserons partout.
Sylvie Germain : extraits d'un entretien pour Télérama 3622 du 12/06/2019