S'il faut en croire cet article de BFM Business, le compte C-zam de Carrefour Banque, lancé en fanfare en avril 2017, devrait être la première « pseudo-néo-banque » à prendre la direction du cimetière. Mais elle ne sera certainement pas la dernière, y compris parmi celles qui semblent aujourd'hui parvenir à tirer leur épingle du jeu.
Au milieu d'une vague qui s'étale de Hello Bank! par BNP Paribas jusqu'à Ma French Bank par La Banque Postale, en passant par Orange Bank ou Eko (pour ne citer que celles-là), le géant de la distribution imaginait pouvoir capitaliser sur la fréquentation de ses points de vente pour conquérir 2 millions de clients en 5 ans. Présenté sous forme d'un « pack », vendu 5 euros dans ses rayons, C-zam offre un compte courant assorti d'une carte de débit et de quelques avantages spécifiques pour 1 euro par mois.
Ses concepteurs ont cependant rapidement déchanté : les quelques 120 000 comptes activés à ce jour (aux dernières nouvelles) sont très loin des ambitions initiales et tout espoir de remonter la pente paraît maintenant abandonné. Il reste donc à s'interroger sur les raisons de cet échec, afin d'en tirer, si possible, des enseignements sur les attentes profondes des consommateurs, sur le marché bancaire hexagonal (voire au-delà) et, surtout, sur ce qui attend probablement les innombrables acteurs désormais présents.
Tout d'abord, l'explication principale donnée par BFM Business est, de mon point de vue, choquante, mais finalement révélatrice d'un état d'esprit généralisé dans les grands groupes, qu'il s'agisse de Carrefour, d'Orange ou de BNP Paribas. Ainsi, si le manque de personnel pour accompagner le produit (dans les centres d'appel ou via la formation des caissiers) mis en cause par les journalistes est réel, c'est, plus structurellement, une faillite de l'entreprise à créer un véritable modèle « digital » qu'il faut incriminer.
En effet, les établissements qui cherchent à émuler les néo-banques avec des approches 100% mobiles n'ont aucune chance de s'imposer s'ils ne sont pas capables de répliquer leur efficacité opérationnelle, qui passe par la prédominance de la technologie sur les effectifs humains (à l'exception des ingénieurs informatiques, bien sûr). Or des pénuries apparentes de personnel (qui affecteraient aussi Ma French Bank, actuellement), notamment dans le support aux clients, tendent à signaler que l'expérience utilisateur n'est pas au niveau des meilleurs, ce qui menace directement la viabilité du projet.
Plus fondamentalement, il faut également s'interroger sur la valeur ajoutée et la différenciation concurrentielle de cette multitude de concurrents nouveaux qui naissent sur le marché. Si les consommateurs peuvent trouver leur compte avec des solutions offrant des parcours ultra-fluides, portant la promesse à long terme d'une relation différente, personnalisée…, quel sens ont leurs sous-imitations, toutes identiques, se contentant d'un compte et d'une carte basiques et de quelques gadgets génériques ?
La plupart de celles-ci n'ont rien d'autre à proposer qu'un prix réduit (même pas la gratuité !), aussi n'ont-elles que peu de chances de s'imposer, au vu des frictions que représente un changement de domiciliation, sauf en appoint ou en phagocytant une offre traditionnelle (généralement celle du même fournisseur). Il faut croire, pour conclure, que les acteurs historiques peinent toujours à comprendre ce qui distingue, en pratique, une banque « digitale » (Revolut, N26…), d'une banque transposée sur mobile.