La journée “Jardin Botanique aux couleurs du Japon” a été l’occasion d’une visite concentrée et passionnante du jardin japonais, caché au coeur du jardin botanique de Tours. Cette journée organisée dans le cadre du jumelage Tours-Takamatsu au Japon, est l’occasion de célébrer aussi le 3ème anniversaire de la signature de la convention tripartite qui rassemble les jardins historiques de Tours, le parc Tamamo, et les jardins de Villandry.
En France, on dénombre environ 80 villes qui disposent d’une jumelle au Japon : pour Tours, il s’agit de la ville de Takamatsu située au nord de l’île de Shikoku dont l’un des attraits est son jardin Ritsurin créé à l’époque d’Edo.
Une place de choix dans le Botanique…
Le jardin japonais que l’on trouve si naturellement au détour de sa déambulation dans le jardin botanique de Tours, est réaménagé entre 1981 et 1983. Il dispose en réalité d’un emplacement stratégique, à la place de l’ancien séquoia mythique forcé d’être abattu en 2012. Il s’inscrit ainsi dans un jardin patrimonial et crée un affichage important dans le dessin du jardin. On peut y accéder facilement depuis les allées et sans qu’il ne soit trop loin de l’entrée principale.
On doit ses lignes à une équipe de jardiniers tourangeaux, qui pour le jumelage entre Tours et Takamatsu, s’inspire d’un rêve de jardin japonais pour cette commande particulière. Ils n’ont pas la prétention de créer un véritable jardin japonais, mais simplement de l’évoquer. Pour cela, ils rassemblent ce que suscite cette idée en eux : littérature, art pictural et toutes autres références. Leur objectif est alors de reproduire une composition picturale dans cet espace végétal. Une des constantes de leurs observations communes se trouve être l’ouverture que l’on trouve dans les pavillons japonais et qui révèlent le paysage.
Observer le paysage à travers une baie d’intérieur japonais
Ainsi, pour bien commencer l’observation et la compréhension de cet espace, il convient de se placer juste un peu plus loin que l’entrée pour pouvoir disposer d’un peu de recul sur l’entrée du jardin. On constate alors l’effet d’encadrement qui intervient comme première clé de lecture de la composition. En effet, on remarque un vocabulaire qui n’est pas spécialement japonais, avec l’osier que l’on trouve comme délimitation au jardin. Il s’agit en effet de vannerie locale de Villaines-les-Rochers. On assiste alors à l’ouverture du paysage à travers une fenêtre ouverte dans ce tissage d’osier vivant et d’osier sec. C’est alors comme une estampe qui se déroule, avec une altimétrie légère qui a été contrôlée pour avoir un horizontal parfait. C’est alors la création d’un niveau architectural dans le jardin, avec des ouvrants comme une baie d’intérieur japonais.
Le paysage est ainsi mis en valeur par cet effet de cadre : on y voit de surcroît un symbole de fresque au premier plan, et un dialogue des plans entre eux avec les horizons et les lointains.
La sérénité du jardin
Ce n’est alors que le début de la réinterprétation de la vision d’un jardin japonais par le regard tourangeau. Le contexte ici révèle le jardin en jouant tout de même sur l’ambiguité tourangelle et japonaise. L’arrondi de bord d’allée esquissée sur la gauche avec les osiers, déporte un peu l’ouverture de l’entrée et invite le visiteur à pénétrer dans le jardin de manière subtile. A l’intérieur, un autre rythme est à l’oeuvre qui s’accompagne d’une impression de sérénité. On remarque tout de suite l’asymétrie (contrairement aux jardins à la française), ici en effet, on est dans le tableau. Myriam Le Souëf, adjointe en charge des espaces verts disait ainsi : « à la différence de nos jardins à la française, ils ne sont pas symétriques mais asymétriques. Il y a la verticalité pour représenter le ciel, l’horizontalité pour représenter la terre et la transversalité pour représenter l’homme« . On évolue sur la courbe parfaite de la terrasse avant de fouler les allées du jardin. Les jardiniers ont voulu apporter une nouvelle sonorité : elle forme une courbe douce qui épouse la fluidité du contexte. Le bruit des pas sur le bois fait raisonner les lattes d’un bruit doux. La sinuosité va de pair avec le bras d’eau qui existait qui vient de la petite montagne et alimente la petite tourbière. C’est la Touraine qui amène un geste que l’on va prolonger. Pour le platelage, il a été décidé tout d’abord de la direction des lames qui regardent le dessin du jardin. La ligne droite de jonction met en valeur la courbe. Et comme nous sommes légèrement surélevés, le paysage se donne à voir d’une autre manière, comme si nous survolions un monde.
Le point de vue de la terrasse
Pour l’esquisse globale, les jardiniers avaient des pistes de réflexion lors de la conception sur plan, mais pour retrouver l’unité de forme pressentie sur papier, mais fallait faire essais sur site. On voyait alors une une petite forme de“s” au sol, le dévers léger, et le mur du Botanique bordé de frondaisons. Pour habiller la perspective et modeler les plans, l’envie faire venir ces frondaisons decrescendo dans le point de vue de la terrasse, s’est imposée.
Du petit promontoire, on distingue ainsi un dessin global, et une lecture de vides et de pleins, fidèle à ce que l’on pourrait trouver dans la peinture chinoise. Le plein, le trait ne peut être sans le vide de la toile. Ici l’entretien est important, car la vue souvent se bouche à mesure que la végétation grandit.
C’est donc un jeu d’ouverture et de fermeture qui s’opère pour régler les fenêtres de perception.
Détails du tableau
Pour commencer à discerner les éléments du tableau, voyons les pins et les houx taillés en nuages dignes de l’art topiaire japonais. il s’agit vraiment d’un geste qui modèle la nature. C’est eux qui nous introduisent sur la terrasse. Du promontoire, nous disposons de l’ombrage et de l’encadrement du bel érable à peau de serpent. L’écorce de l’arbre est si évocatrice car qu’elle donne le ton, et chaque chose que nous voyons ici est présente pour une bonne raison.
Tout d’abord, des dômes herbeux qui surgissent du sol comme des dos de mammifères, peuvent aussi évoquer les formes douces des champs de thé. On fait alors jouer les textures mêlant le minéral au végétal, et en ayant soin d’introduire le vocabulaire tourangeau avec ces petites plaques d’ardoises qui délimitent les formes. Le couvre-sol devient alors sculpture. Les plantes noires (Ophiopogon planiscapus) dialoguent ainsi avec l’ardoise et étirent le second plan vers nous.
Poursuivre la promenade
On devine au-delà de la douceur de la pente de la terrasse, des chemins qui distribuent vers la suite du jardin. Les érables du japon et les azalées ponctuent la visite (même s’ils ont souffert de la chaleur de l’été). Le jardin dévoile au fur à mesure de nos pas de nouvelles perspectives, il suscite la curiosité et donne envie de progresser doucement, de renouveler les points de vue.
Bonne balade !