Dans ce récit poétique en prose, Alexandre Voisard conte, dans les premières années 1940, la forêt jurassienne puis la rivière Allaine qui serpente dans la plaine.
C'est toujours un été, avant que ne survienne la rentrée des classes et que ne défilent les saisons...
Les quatre enfants se rendent en forêt, qui leur fait entrer toute la nature dans la tête, où ils se sentent à l'abri et où ils ont construit leur cabane:
Le monde de la forêt est aussi bien familier qu'insondable en son mystère.
Jacotte, Coco, Ramon et Rosine ne sont pas tout seuls:
Jamais très loin de son quatuor d'aventuriers sylvestres se tient le père, en une discrétion juste une peu inquiète.
Il est là pour nommer ce qu'ils découvrent, aussi bien la faune (à propos de laquelle il leur rappelle cet aphorisme champêtre: les petites bêtes ne mangent pas les grosses), que la flore:
Rappelez-vous qu'une fleur sans nom, c'est comme un enfant sans père.
Avant leurs expéditions, Jacotte, Coco et Ramon attendent Rosine, la plus petite et la plus jolie, que leur voisin de sculpteur, Enrico Moretti, fait poser pour faire de sa tête un modèle en argile, qu'il copiera ensuite pour la faire renaître sous ses ciseaux dans le marbre.
Maman Irène n'a accepté qu'à la condition que les poses n'excèdent pas vingt minutes...
Si la forêt offre un enseignement riche en paradoxes et en demi-teintes, la rivière a ses violences: il arrive qu'elle emporte un enfant imprudent vers ce qui ressemblerait au néant, tel le petit Marco...
Car l'Allaine, que grossit l'imprévisible Creugenat quand elle a soif, fait comme elle veut:
L'eau passe, c'est bien vrai, elle entre sans autre formalité et ressort quand ça lui chante. Elle inonde au prétexte d'arroser, elle détrempe ce qu'elle est supposée rafraîchir, elle touille les sédiments pour peu qu'elle érode les talus ou creuse le mitan du lit.
La faune et la flore ne sont pas les mêmes qu'en forêt et les jeunes riverains y connaissent d'autres aventures que les compétitions nautiques auxquelles se livrent les garçons tandis que les filles botanisent.
Ces premières années 1940, années d'apprentissage, c'est la guerre alentour. Et, quand elle sera finie, les enfants n'auront pu imaginer à quel point c'était une saleté, eux qui n'auront connu jusque-là d'angoisse et de craintes que devant la foudre, les inondations et la noyade de Marco.
Pendant la guerre, le sculpteur fait des diatribes contre Mussolini et on ne voit pas souvent les pères à la maison, ils sont dispersés dans les campagnes où ils creusent des tranchées et des fortins...
Après la guerre, c'est comme si la vie, toute la vie, de la nature autant que des hommes, se réinventait, donnant à ce qu'on mange, à ce qu'on vit, une légèreté et une saveur valant parfum d'éternité...
Francis Richard
Des enfants dans les arbres, Alexandre Voisard, 100 pages, éditions d'autre part
Livres précédents:
Notre-Dame des égarées, Zoé (2017)
Oiseau de hasard, Bernard Campiche Éditeur (2013)