La critique de poésie
Quand nous parlons de poésie, nous ne devons pas refuser de considérer que la poésie est aujourd’hui dans un état critique. C’est d’ailleurs par quoi elle existe… Ce poème, comment est-il à la hauteur de la poésie ? Comment prend-il, ou atteint-il, le langage poétique ? Nous ne sommes plus « confortablement » logés, comme au long des temps qui vont, disons, de Villon à Verlaine (voire Aragon) en passant par La Fontaine et Racine, à l’intérieur du cadre de conventions littéraires qui soutenait son statut. On ne peut mesurer la place culturelle de la poésie au 21ème siècle en occident qu’à noter quelques événements historiques.
Pour exemples a, b, c :
a) Les Sonnets de Shakespeare furent déroutants en une époque où le théâtre dominait l’actualité culturelle.
b) Le procès « moral » intenté à Baudelaire repose pour une part sur le fait que la philosophie et la religion, dans un siècle laïque (« sécularisé »), ne sont plus intimement liées à la poésie. Les juges et le public ignorent désormais Saint Augustin. Or, dans ses Confessions (autre chose que « les Confessions d’un enfant du siècle » !) Augustin avait accordé un rôle central au goût du mal, au plaisir pris à faire le mal. Baudelaire en offrira les fleurs.
c) Rimbaud abandonnera chez l’imprimeur les exemplaires d’Une saison en enfer. Les Illuminations ne connaîtront, du vivant du poète, que quelques parutions très fragmentaires dans les revues (dont il ne se soucie plus).
Ensuite, vous avez des tentatives de retour (Symbolistes et autres), bien pâles, ou des engagements nihilistes (Dada), puis de pathétiques facilités subjectives (« horriblement fadasses » selon le jugement, déjà, d’Isidore Ducasse). Mais de poésie ? Objectivement ?
Dans les années 1960, Denis Roche (« La poésie est inadmissible. D’ailleurs, elle n’existe pas »), singulièrement obsédé par le pourrissement, avait le tort de miser tout sur l’envahissement de la scène culturelle par le roman (et la photographie) mais il manifestait un symptôme. Relèverons-nous le défi ou nous contenterons-nous de livrer nos poèmes aux seuls poètes ? Ou aux « lectures publiques » de divertissement, aux « performances » spectaculaires… qui, socialement, plaisent au public ?
Claude Minière