L’innovation frugale, soit, pour Navi Radjou « Faire mieux avec moins », a parfois été perçue comme une stratégie de court terme, permettant de faire face à des difficultés ponctuelles. Dans son ouvrage co-écrit avec Jaideep Prabhu, « Le guide de l’innovation frugale », il montre que les entreprises doivent désormais s’inscrire à long terme dans cette stratégie, tant pour répondre aux attentes des clients que pour faire face à la rareté des ressources.
Enfin, alors que l’innovation frugale était plutôt associée à des pays en développement, Paul Polman, ancien PDG d’Unilever, affirme que « nous devons appliquer aux marchés européens les principes d’innovation frugale qui étaient utilisés pour développer des produits à des prix attractifs pour les marchés émergents. En combinant l’ingéniosité frugale des pays en développement aux capacités de R&D des économies matures, les entreprises peuvent créer des produits et services de grande qualité qui soient abordables, durables et qui servent l’humanité dans son ensemble. »
Navi Radjou et Jaideep Prabhu vont plus loin et y voient une « stratégie révolutionnaire » :
« L’innovation frugale est la capacité de « faire mieux avec moins », c’est-à-dire de créer à la fois plus de valeur commerciale, sociale et écologique, tout en économisant et réutilisant savamment des ressources précieuses telles que les matières premières, le capital et le temps. A « l’ère de la rareté » et du changement climatique, les entreprises occidentales doivent répondre à la pression croissante de consommateurs, collaborateurs et gouvernements soucieux de leur budget et de l’environnement, et qui réclament des produits abordables, durables et d’excellente qualité. A cet égard, l’innovation frugale est une stratégie révolutionnaire. Toutefois, elle est bien plus qu’une stratégie : elle est le signe d’un nouvel état d’esprit qui voit la restriction des ressources comme une opportunité plutôt que comme un handicap. »
Les auteurs s’appuient sur l’exemple d’Unilever, pour montrer comment l’innovation frugale peut s’inscrire dans une stratégie de croissance :« Repenser l’hygiène
Lifebuoy, la célèbre marque asiatique de savon d’Unilever, a été transformée par le Plan pour un mode de vie durable. L’entreprise a commencé par réfléchir à l’importance capitale du lavage des mains : à chaque instant, quelqu’un, quelque part dans le monde meurt de ne s’être pas lavé les mains. Même s’il est recommandé de se les laver pendant 30 secondes, la plupart des gens n’y passent que 10 secondes. Le défi était donc de s’assurer que les gens puissent malgré tout tuer les microbes dans ce temps réduit. L’équipe R&D a mis au point une nouvelle formule chimique associant terpinéol et thymol, créant un principe actif qui tue les germes dix fois plus vite que les autres anti-microbiens. Le défi suivant a consisté à fabriquer un savon intégrant ce composant qui puisse être vendu 5 roupies (6 centimes d’euros) en Inde. Unilever a dû repenser complètement sa façon de fabriquer un savon (comment le former, comment faire pour qu’il mousse et qu’il sente bon, et qu’il ne coûte pas cher). Le résultat est un succès : Lifebuoy est à présent une des marques d’Unilever qui affiche la croissance la plus rapide, avec 10 % de progression des ventes annuelles en 2013. Aujourd’hui, chaque seconde, cent onze familles achètent un produit Lifebuoy. »
Mobiliser ses équipes de R&D sur des projets d’innovation frugale apporte beaucoup de bénéfices :
- C’est stimulant pour les équipes de R&D qui ont également le sentiment de faire œuvre utile et qui doivent utiliser toute leur ingéniosité. Les collaborateurs sont fiers de travailler sur ces projets et s’y sentent engagés.
- Cela répond à des besoins et attentes des clients. Leur qualité de vie en sort améliorée à un coût qui reste abordable par le plus grand nombre.
- L’entreprise renouvelle ses leviers de croissance.
Et vous, quels types de projets d’innovation frugale pouvez-vous initier dans votre domaine ?