Les « Rendez-vous de l’histoire » de Blois, rendez-vous annuel bien inscrit dans le calendrier, nous vaut aujourd’hui un affrontement qui ne dit pas son nom entre différentes manières d’écrire le passé proche ou lointain. Intéressante confrontation…
Le Figaro littéraire consacre donc, cette semaine, un dossier à la manière de faire de l’Histoire aujourd’hui. Attention, c’est saignant, dès le titre : « Histoire globale, histoire en miettes… » Vous voilà prévenus ! Patrice Gueniffey : « le type d’histoire un peu facétieuse et très idéologique mis à la mode par Boucheron. » L’exploration du monde, ouvrage collectif dirigé par Romain Bertrand ? Sous-tendu par « l’idéologie déconstructionniste », affirme Paul François Paoli, affligé par « le nouveau conformisme » de l’ensemble : « Nos déconstructionnistes déconstruisent tout, sauf leurs propres prémisses idéologiques. » S’il en manquait, on irait rechercher en pages intérieures la chronique hebdomadaire d’Éric Zemmour. À propos de La liberté d’esprit, par Stéphane Toussaint, il y parle même de « nouvelle peste dogmatique » pour qualifier « ce vent venu d’Amérique, celui du politiquement correct, des études de genre, ou encore décoloniales ». Il a dû être distrait, sans quoi il aurait ajouté « mauvais » après « vent ». L’idéologie, c’est les autres, on l’aura compris. Contre les tristes visions qu’elle engendre, ses adversaires revendiquent la force de l’évidence. Celle-ci, bien entendu, n’ayant rien d’idéologique.
Arrive aussi, en même temps, Le Libé des historien∙nes, et à l’édito un trio de choc : Ilsen About, Dominique Kalifa, Gérard Noiriel. Le premier s’intéresse aux peuples tsiganes, le deuxième au crime et à ses représentations, le troisième met en parallèle les écrits d’Éric Zemmour et d’Édouard Drumont. Parmi les collaborateurs du journal, aujourd’hui, Patrick Boucheron, entre autres, le honni par excellence des partisans de l’évidence. Ils l’ont fait exprès ? Mais non, ma bonne dame, mon bon monsieur, ils sont dévorés par le crabe idéologique, qui vaut bien un cancer en phase terminale ! Retour de volée signé Gérard Noiriel dans une page d’éditoriaux : « Toute recherche repose sur un point de vue, mais cela n’empêche pas que nous devons respecter des règles de méthode qui nous incitent à utiliser les armes de la critique savante, y compris contre la mémoire officielle. » Tout est dit : le point de vue est assumé – tandis qu’en face, on se contente d’évidences. Dis-moi (ou pas) d’où tu parles…