Le point de départ de cette réflexion est l'annonce du lancement de la première application mobile bancaire norvégienne capable d'agréger les comptes de différents établissements. Proposée par DNB, la plus importante institution financière du pays, elle a été rendue possible par une collaboration avec « Nordic API Gateway », une startup spécialisée dans la connexion aux interfaces publiques imposées par la réglementation européenne (toujours la fameuse DSP2), co-acquise avec Danske Bank en 2018.
Les responsables du projet se vantent largement de leur prouesse, en soulignant qu'elle représente un avantage concurrentiel significatif dans une des régions du monde où les consommateurs ont le plus tendance à entretenir une relation avec plusieurs banques. Naturellement, grâce à ses nouvelles facultés de fédération de l'ensemble de leurs informations financières au sein de son environnement, DNB estime pouvoir se placer en partenaire privilégié de ses clients, au détriment de leurs autres fournisseurs.
Sans s'étendre sur le retard apparent de la Norvège en matière d'agrégation de compte (je n'ose toutefois pas imaginer qu'une jeune pousse ne se soit pas invitée sur le marché), l'initiative est (à nouveau) révélatrice de l'état d'esprit des acteurs traditionnels vis-à-vis de l'ouverture de leurs services au tiers, surtout quand la communication officielle la présente comme une extraordinaire opportunité autorisée par la réglementation.
En effet, alors que les outils de consolidation de comptes existent maintenant depuis plus de 10 ans (souvenons-nous de Mint ou Wesabe), il paraît invraisemblable que DNB (tout comme ses consœurs) ait attendu l'entrée en vigueur de la DSP2 pour permettre à ses clients d'obtenir une vision à 360° de leurs situation, en étant pourtant consciente qu'ils sont fortement susceptibles d'être concernés par la multi-bancarisation.
Le plus navrant est tout de même que ce qui est affiché comme un exploit donne l'impression (qui est hélas une réalité dans la majorité des institutions financières) que le potentiel des API d'accès aux comptes et, indirectement, de l'« open banking », se limite à cette seule capacité de restitution d'une position globale. Pour l'exprimer différemment, ces banques n'ont donc toujours pas compris quelle valeur elles pouvaient retirer du concept et encore moins qu'il constitue le pilier incontournable de leur avenir.