Par une sorte d’alchimie étrange dont l’époque et l’économie de marché ont le secret, Mei, une « jeune et jolie » héroïne d’un jeu vidéo se transforme en égérie symbolique de la révolte à Hong Kong. Nous sommes dans le virtuel, mais l’histoire et ses enjeux sont bien réels.
Le gamer hongkongais Chung « Blitzchung » Ng Wai avait appelé dimanche à la libération de Hong Kong au cours d’une retransmission vidéo post-compétition à Taiwan. La société Blizzard a immédiatement suspendu le champion de Hearthstone pour 12 mois et a retenu l’intégralité de ses gains, considérant qu’il avait porté atteinte à la réputation et à l’image de l’entreprise, contrevenant ainsi au règlement de la compétition. Au passage, les deux salariés qui animaient le show vidéo sont licenciés.
Cette décision brutale de l’un des géants du jeu vidéo, éditeur de très nombreux titres, qui sont autant de gros succès commerciaux (Overwatch, World of Warcraft, Diablo, Heroes of the Storm, Starcraft, Call of Duty), a en fait été plutôt mal prise, et largement critiquée, dans la communauté des gamers. Cela d’autant plus que dans sa communication le studio affirme défendre des valeurs d’ouverture et de liberté.
On assiste ainsi, sur les réseaux Twitter et Reddit en particulier, à un véritable élan de soutien, à la fois envers « Blitzchung » lui-même, c’est un personnage respecté, mais de manière plus générale envers la cause des manifestant⋅e⋅s de Hong Kong, et pour et la liberté d’expression si chère aux communautés du jeu vidéo.
A côté des appel au Boycott de Blizzard, et des mèmes qui dénoncent la soumission de l’entreprise aux intérêts chinois, se développe un phénomène intéressant de détournement du personnage de Mei qui est transformée, par illustrations « photoshopées » ou en vidéo remastérisées et re-sous-titrées, en véritable partisane u mouvement de contestation Hong Kong. On la voit en manifestation, en tenue de frontliners, ou sur fond de drapeau de Hong Kong.
Dans Overwatch, la jeune Mei est une scientifique originaire de Xi’an, en Chine. En la transformant en symbole de la résistance de Hong Kong, les fans font un terrible pied de nez à Blizzard qui espérait en sanctionnant promptement et durement Chung Ng Wai éviter les vagues… et éviter surtout de se retrouver en port-à-faux avec la Chine. C’est raté ! Tout l’univers des blogs et des sites spécialisés c’est emparé du sujet, et colporte à l’infini le thème du boycott et les images de Mei la rebelle chinoise aux côté des combattant⋅e⋅s de la liberté hongkongais⋅es.
De nombreux gamers se désabonnent des services en ligne de Blizzard, capture d’écran à l’appui, des anciens collaborateurs appellent au boycott, des salariés se désolidarisent de la direction, des acheteurs et acheteuses du dernier opus de Call of Duty, qui vient à peine de sortir, retournent même le colis à l’envoyeur et demandent à être remboursé. Blizzard a même été contraint de rendre privé le salon Reddit consacré à ses jeux parce qu’il était envahi par le grondement de la révolte.
Du réel au virtuel, et vis-et-versa, la boucle est bouclée.
Références
- Un joueur pro de Hearthstone disqualifié et sanctionné par Blizzard… (Numérama)
- After Hearthstone player’s ban, fans call for a Blizzard boycott (Polygon)